Au mois de juillet 2009, nous sommes allés visiter
la province de bas-congo voici l'une des choses ou des oeuvres qui m'a impréssionné, c'est pourquoi mes chers lecteurs je suis content de partager avec vous cette joie à travers cette photo. Nous avons un pont qui impréssionne les passants vers les Bas-congo. Ce pont traverse le fleuve Congo juste dans la ville portuaire de Matadi. Ce pont est considéré comme un site touristique, le dimanche, bref, le Wekeend les vont visiter cette place louable qui fait la fierté de la province de Bas-congo en particulier et de la République Démocratique du Congo en général, pourquoi n'est en construire davantage à travers toute la République plus particulièrement des des coins traversés par les cours d'eau comme au Mai-ndombe. A coté de ce pont sont construits des térrasses, des réstaurants malewa, les "maboke"se vendent là bàs en quantité industrielle quelle joie d'y aller.
Voilà notre photo de souvenir pour notre visite: de gauche à droite: Faustin Kabosani, Héritier Kalonda,Géorges Kalombo,Vénance Makilo, Frédéric Monayi, Bernard Popo, Dieudonné Ntumba.
Kalonda Héritier
Le mariage chez l’africain est l’un des facteurs qui fait la dignité d’un homme ou d’une femme. Ainsi, chez les basakata, le mariage fait aussi la dignité d’un homme ou d’une femme. Chez les basakata une femme qui ne se marie pas est comparable à une folle. Il ne suffit pas seulement de se marier, mais il faut avoir des enfants. Dans ce sens, sont constitués plusieurs proverbes au sujet de l’éthique du mariage. Un proverbe dit : « ibè le mbeke, kenshua k’ungé». Ce qui se traduit par : un mariage nouveau est amusant au début, quelque temps après s’y être habituée, les querelles surviennent.
En outre, notre préoccupation consiste à montrer que pour le musakata, enfanter vaux mieux que l’argent (obua oshune nzeme).Pour ce peuple, il est mieux d’avoir des enfants et la famille. Bref, des bonnes relations avec les autres que d’avoir l’argent et insolite. Dans cette optique, un proverbe dit : « ntwa bee, ya ntwa nzeme, ukime ntwa bee », celui qui a des bonnes relations avec les autres est plus grand qu’un riche insolite.
Chez les basakata l’amour de la femme ou du mari est montré pendant le malheur. Ainsi, un proverbe dit : « je nye ukà onkuni, je akao mbao ne nvela kpe ?», ce qui se traduit par, tu dis que ta femme t’aime, combien de temps as-tu été malade. L’amour de la femme est éprouvé dans le malheur.
Il est à savoir que, le mariage est exogamique chez les basakata. Et il ya plusieurs formes que nous allons montrer dans ce travail. Nous allons montrer que la dote est la conclusion du mariage ; mais n’est pas primordiale (la dot n’est pas dolarisée). Nous allons aussi montrer les avantages de la dote, et comment celle-ci est payée.
Pour une bonne compréhension de ce travail, nous l’articulerons en deux grandes parties : la première consistera à une présentation de ce peuple (basakata) ; et la deuxième qui est le centre de ce travail, nous parlera du mariage chez les basakata.
En fin, une conclusion interviendra pour boucler.
I.PRESENTATION DE CE PEUPLE
Notre travail centré sur l’éthique du mariage nous conduit à une brève présentation de ce peuple avant d’entrer dans le vif de ce sujet. Qui sont les basakata ? où vivent les basakata ?
En effet, Sakata est le nom d’un des plus grands groupes ethniques, le plus peuplé du mai-ndombe. Les basakaka vivent dans la zone comprise entre les rivières Kasaï et Lukeni-mfimie dans la partie occidentale de la République Démocratique du Congo, plus précisément dans la province de Bandundu au district de Mai-ndombe. Ils appartiennent à la ceinture matrilinéaire. Les basakata appellent la rivière Kasaï « nza n’iyon, nza sanyi» ; ce qui se traduit par la rivière blanche. Et ils appellent la rivière Lukenie « nza ne Lekain ».
Du point de vue écologique, les basakata sont adaptés à une région de forêt vierge, et de savane. Le pays de basakata est traversé par plusieurs cours d’eau comme : Lebili, Lekobe, Molibampei qui se jette à Nioki, Lemomo qui se jette à Kilako, Lebuku de Mbatin, Sow qui se jette à Iyon (ilombe), Lelaw quise jette à Ibaa, Mokaw qui se jette en amont de motangiri, Lenoo de nselesaa à Belwe, Dzomme qui se jette à Bonkita, Dwoo qui se jette à Kibambili, Ntakumu qui se jette à Kutu moke, Yong qui se jette à Mokla, Menangié, Elain qui se jette à Nkolo, Lebè qui se jette à Kutu, Leboo et Itii qui se jettent à Bokoro etc.[1]
Il est utile de signaler que les basakata font frontière au nord avec les Baboma, les Basengele, une partie de Ntomba, une partie de Nkundo-mbelo et Nkundo-mbindjankama. Au sud, avec les Bayanzi, à l’est avec Nkundo-ipanga.
En ce qui concerne l’organisation, ils sont organisé en sous tributs :
le « bobai », au nord de Lukenie, entre Lelaw et Dzuyi qui les separe de Nkundo-mbindjankama habité par la sous tribut de « babaa » ou « babai » ;
Il est intéressant pour nous de signifier que toutes ces tributs parlent la même langue : « kisakata, kesakata, ou keshaa ». Il y a plusieurs variantes à savoir,le waria parlé par le badja, le kebai, par chez babai, le mokan chez tous ceux qui sont à la rive droite de Kasaï, le kengengei dans toute le région de l’ouest, kitere ou le kintuntulu, dans toute la région de l’est.[2]
Chez les basakata les chefs sont des « mbey » (chefs de terre). Ce dernier chapeaute le bobla, il a le pouvoir craint de tous, car ce pouvoir est associé à un « iluo », c’est-à-dire sorcellerie spéciale qui fait de lui autorité religieuse, politique, juridique sociale. A coté de mbey, il y a le mojuu, chefs des hommes, c’est un roi chef de basakata. Le mojuu gouverne dans un « ijuu » ou chefferie qui est un ensemble de plusieurs « bobla ». Les terres appartiennent au mbey et les hommes au mojuu. Ainsi, un proverbe dit : « mbey oni be leshaon, ujuu oni be leban», ce qui se traduit par le pouvoir de mbey se limite dans sa paillote (bobla), et celui de mojuu s’étend en dehors de la paillote (bobla).
II. LE MARIAGE
Comme nous l’avons dit dans l’introduction, le mariage est exogamique, les membres d’un même clan ne peuvent pas se marier entre eux. Le mariage est toléré après quatre générations. Généralement les hommes ont droit à une femme ce qui est souhaité. Mais parfois certains en ont plus. Le cas de polygamie n’est pas souvent encouragé, comme cela est dit dans ce dicton « ibèe l’izàa izuku». La polygamie,c’est le désodre.Le mariage se contracte après des négociations entre d’une part l’homme (souvent représenté par son père ou son oncle maternel) et d’autre par, le père et l’oncle maternel de la femme.
II.1 FORMES DU MARIAGE
Il est important de signaler qu’il ya plusieurs façons de se marier chez les basakata. Autrement dit, un musakata peut se marier de plusieurs façons :
1) « Ibee le ndundjula » (le mariage sur demande) : dans ce cas, il y a des proverbes qui guide de tel mariage « je akuna ukaa, shua ibura». Ce proverbe veut dire quand le garçon va se marier, il doit choisir la famille. Car non seulement la femme doit être bonne, mais aussi sa famille. Epouser une femme, c’est avoir aussi toute sa parenté par-dessus le marché.
C’est la forme la plus souhaitée du mariage. Un jeune homme adulte en accord avec ses parents va solliciter le mariage. Ce qui est fréquent et actuel, c’est cette forme de mariage
2) « Ibee le mvumvula » (le mariage pour adoption) : dans ce cas, ce sont souvent des parents qui choisissent une fille pour leur garçon. De ce fait, les parents du garçon prenaient la fille et l’élevait. Dans ce sens, le garçon attendait que sa femme grandisse. Autre aspect, les deux enfants sont jeunes et les parents se décident que quand ils vont grandir, ils se marieront. Ce mariage causait beaucoup de problèmes dans la mesure où les enfants se mariaient non par amour, mais par choix de parents. Bref, les parents choisissent la femme ou le mari pour leurs enfants.
3) « Ibee le kekla » (le mariage par succession) :C’est la forme du mariage qui a presque disparu. A la mort d’un conjoint (surtout de la femme), sa sœur ou son frère mariait le conjoint vivant. Soit, par ce que le mourant a payé toute sa dote, soit par ce que le clan veut garder des liens toujours étroits avec ce clan, soit encore ils avaient beaucoup d’enfants. Cette forme de mariage est encore pratiquée dans les familles des chefs Sakata, qui sont les « bajuu ». A la mort d’un chef, souvent son frère ou son neveu prend sa femme.
4) Ibee le nkfunkfan (mariage par rapt) : Un homme allait ravir la femme d’un autre homme qui n’avait pas encore payé sa dot. C’est-à-dire il restitue au premier homme tout ce qu’il a donné à la femme. Alors faudrait être riche, ou un chef pour le faire. Cette forme de mariage a disparu totalement.
5) Ibee lese mojuu (le mariage de mojuu) : Pour un mojuu qui est le chef des basakata son mariage est un peu spécial. Un jeune homme ou fille mojuu se marie différemment des autres. Il (elle) choisit lui-même son conjoint. Comme le dit Mbu Mputu Norbert ; un mojuu qui tombe amoureux d’une femme, il prend soit une plume de perroquet soit une dent de léopard soit sa clochette( kentuin) le fait sur la tête de la fille, même dans la parcelle avec instruction celle-ci devient ma femme.
Il est important de souligner que, si la fille est déjà fiancée, le mojuu rendra à son fiancé tous les pré-dotes qu’il a offert à la famille de la fille, et récupérera la fille. De même pour le monkajuu déposera les mêmes signes chez un homme, lui demandera de la prendre en mariage. Cette forme est de moins en moins pratiquée. Actuellement les bajuu se marient presque souvent sur demande ou par succession.
II.2 LA DOT
En ce qui concerne la dot, après que le garçon ait demandé le mariage, la conclusion du mariage intervient avec la dot (nkole). La famille du jeune homme donnait une chèvre, plus ou moins 10 calebasses de vin de canne à sucre et un peu d’argent (pas trop). Tous les membres de la famille de la fille prendront ce vin et partageront cette somme.
Il est savoir que si le père de la fille a payé sa dote, celle de sa fille lui revient au cas contraire sa belle famille prend tout. Le jeune homme hormis les objets précités ajoute,deux machettes, une pièce 6 yards (anglais), une costume, un sac du sel, deux bouteilles de pétrole, deux paquets d’allumette, un paquet de gillettes, un paquet de cigarette, de fil à coudre, un essuie-main, deux draps de lit ; et d’autres petits objets éventuels.
Ainsi, celui qui n’a pas payé toute sa dote, ses enfants et sa femme ne lui appartiennent pas totalement. Ils appartiennent à la famille de leur maman. La dote est donnée entre les mains du témoin qui est le pont entre les deux clans. Et ce témoin sera payé avec un peu d’argent. La dot ne se donne pas en cachette ; elle est donnée publiquement, c’est-à-dire dans la cour palabrique. Pendant la cérémonie de la dot les deux familles doivent y être, surtout le papa ou l’oncle maternel de l’homme ou de la femme. La famille de l’homme donne les biens au témoin et celui-ci toujours dans la cour palabrique les donne à la famille de la femme, par le père ou l’oncle maternel de celle-ci.Cependant l’un des conjoints peut être absent.
Il est à savoir que, avant de payer sa dot proprement dit, le garçon donne d’abord le « mèe ne kepula mena ». Ce qui veut dire la boisson pour ouvrir la bouche.Ceci montre qu’il demande réellement le mariage. C’est presque de 3 à 10 calebasse de vin de canne à sucre. Ensuite, le garçon payera le « mèe ese banzaa », la boisson des beaux frères et belles sœurs ; pour être reconnu officiellement (ceci peut se passer en donnant aux beaux frères un peu d’argent). Ces deux cérémonies sont souvent combinées.
La dot n’est pas considérée comme primordiale chez les basakata, car elle peut être payée même après que la femme soit déjà chez le mari. Dès que les deux types de cérémonies précitées sont faits. Bref, éthiquement les basakata accordent beaucoup d’importances à l’union entre l’homme et la femme qu’à l’argent. C’est d’abord l’hommeou la personne qui est une richesse par excellence que l’argent qui est un mauvais maître. C’est une belle leçon éthique que les basakata nous donnent en ce monde caractérisé par les intérêts.
II.2.1 Avantages de la dot
1.la femme s’efforce à la fidélité, car son mari qui a payé la dot a le plein droit de tuer l’homme qu’il surprend avec sa femme et de répudier celle-ci ;
2.la femme craint d’être source de divorce, car en ce cas sa famille rembourse la dot reçue ;
3.d’autres hommes ont peur d’aborder la femme, car en cas de fragrance de lit, l’homme rembourse doublement ou triplement la dot au mari de la femme ;
4.en cas de querelle, les beaux parents n’interviennent pas, la fille n’est plus leur ;
5.à la mort de la femme, l’homme n’est pas trop embêté, car il payé toute sa dot ;
6.l’homme a le droit d’enterrer sa femme et enfants dans n’importe quel cimetière de son choix. Dans le cas contraire, la famille de la femme décide et même ravir tous les enfants.
II.2.2 L’homme et sa belle famille
Les basakata réfléchissent par des proverbes qui donnent des conseilles pour bien vivre dans le mariage. Dès le départ, il ya des proverbes qui disent : « ote ibèe, odzule ihung» (avant de se marier informe toi d’abord sur le clan en question). Et avant de donner sa fille un musakata doit savoir tout sur le clan. On ne se marie pas n’importe comment. Il faut s’informer avant le l’accord de mariage entre deux clans.
En outre, dans le mariage le bien ne vient pas d’un seul coté. Ainsi, unmusakata dira : « belo bibèe katse nka nemo ngo». Ce qui se traduit par ; ce qu’il ya de bon dans le mariage ne vient pas d’un seul coté. Les deux conjoints doivent chercher l’harmonie dans leur couple. C’est ce que nous recommande la bible, même l’éthique occidentale, dans le mariage les deux conjoints doivent chercher le bien de l’un et de l’autre. La femme et son mari, tous deux doivent chercher comment faire régner la joie et la paix dans leur famille.
Aussi dans le mariage, l’idéal est d’avoir les enfants. Ainsi, un musakata dira : « obua oshune nzeme» (enfanter vaut mieux que l’argent). Comme un proverbe le dit : « une femme qui enfante est heureuse ».Se marier, c’est donner des enfants, ne pas se marier c’est être fou. Dans ce sens, « ompfua ijii, omfe ngilaa» (une femme stérile est très malheureuse, la non mariée est folle). Ce qui parait comme une contradiction, pour un musakata enfanter dépasse l’argent, et enfanter, c’est encore l’acceptation de la folie ; dans la mesure où les enfants peuvent t’amener où tu ne t’attendais pas. (ibuailàa)
Avec sa belle famille selon Mbu MputuNorbert, un proverbe dit : « benstula bele ibèe, nso bamontone, ndoo akla » (les services demandés par une belle famille, même si on ne vous aime pas vous devez les faire).[3]
Un autre proverbe dit : « leton le bokle bosime nvela, oze nvela nakaa, ne ye muu nakakla ». Ce qui se traduit par, si tu es envoyé par le beau-père, inutile de souhaiter une pluie, puisque après tout, c’est toujours toi qui le feras. Aide au beau-père doit être redue même s’il pleut. Un homme doit accomplir lui confiée par son beau-père malgré la pluie.
En conclusion, les Basakata sont des peuples occupant tout le territoire de Kutu, dans la province de Bandundu,district de Mai-ndombe. Ils occupent la partie entre la rivière Kasaï et Lukenie-Mfimie totalement. Il est utile de signaler que beaucoup d’autres basakata sont de l’autre coté de la rivière Kasaï avec le peuple yanzi. Ils vivent de la pêche, de la chasse et de l’agriculture. Les basakata du point de vue écologique, sont dans ds forêts vierges et des savanes, et leur territoire est traversé par plusieurs cours d’eau.
Les basakata n’encourage pas la polygamie, ni la polyandrie. La dot n’est pas primordiale dans un mariage, c’est d’abord l’union entre les deux conjoints qui est très nécessaire pour les basakata. Si la femme provoque le divorce avant d’avoir les enfants, sa famille rembourse la dot reçue. Dans le mariage les basakata nous conseillent que le bien doit venir de deux cotés ; c’est-à-dire de la femme et de l’homme. La femme devient trèsjalouse dès qu’elle apprend que son mari a une deuxième femme quelque part.
Les basakata dans leur éthique du mariage exigent du gendre beaucoup de respects envers son beau-père. L’homme doit du respect à ses beaux parents. Le mari peut manger avec son beau-père, mais avec sa belle mère. Pas même lui fixer les yeux, même lui croiser les bras. Quand ils se croisent en route, l’un laisse l’autre passer. Les beaux parents s’appellent « tata » (père) ou « mama » (mère). Quiconque transgresse les interdits achète une calebasse de vin.
De ce fait, tous les frères des deux familles sont les « banzaa »(beaux frères), tandis que les sœurs, cousines demi-sœurs sont des « bankèe be kenzizaa »(belle sœurs). L’homme pouvait s’amuser, s’injurier, se quereller avec ses belles-sœurs. Un proverbe dit : « monkèe ne kenzizaa kepiele kasha ka itaon», ce qui se traduit par ma belle sœur ne me séduit plus à force de m’amuser avec elle. Mais pour la prudence un autre dit : « mva av’iluo ya mee nde k’itaon», c’est-à-dire en s’amusant le chien a fini par coucher sa mère.
Il est à savoir que, la femme aussi entretenait les mêmes relations avec la famille élargie de son mari. Elle devrait aider et assister sa belle mère et restait distant de son beau-père.
Bref, au mariage tous les clans concernés s’unissent et se rendent visite, ils s’entraident. Un clan ne peut pas avoir deux mariages avec un même clan. Par le premier mariage, il ya déjà des liens très étroits entre les deux clans. Et le but principal de mariage chez les basakata, c’est d’avoir les enfants. Une femme qui n’enfante pas est chasée du mariage. Un mariage qui ne donne pas des enfants est amené au divorce.
BIBLIOGRAPHIE
BOMPERE Dominique, Nzur Bakim, (j’ai questionné les vieux), Traduction de Mbu Mputu Norbert, Kinshasa, éd. du journal, 1999.
Le sujet de notre étude est l’un des genres de la poésie Luba. Nous l’avons choisi en raison de sa place dans la vie sociale. Lié à des circonstances importantes, kasala exerce une emprise sur ses auditeurs, il a des composantes qui méritent d’être examinées surtout du point de vue sociologique. Nous avons voulu l’utiliser comme fil conducteur pour entrer au cœur de la société Luba et remonter tout en expliquant aussises origines. Et ceci, pour essayer de comprendre ce qui constitue la véritable force motrice d’un genre littéraire comme le Kasàlà, le type de culture qui l’a fait naître, son cheminement à travers l’évolution historique de la culture originelle et la marque qu’il a pu garder dès sa naissance, et de voir enfin, grâce aux variations intervenues dans l’exercice du genre littéraire qui fait la force ou l’affaiblissement d’une culture.
Au point de vue esthétique, nous désirons comprendre l’habilité du chanteur dans son expression et, dans la mesure du possible, saisir sa technique de composition, d’évocation et d’agencement des faits et des idées. Le champ d’étude de ce travail se situe dans la société Luba, précisément dans la province du sud-kasï, actuellement province du Kasaï oriental, chef-lieu Mbuji-Mayi.
Du point de vue méthodologique, nous adoptons une lecture à la fois analytique et compréhensive. Nous voulons faire un exposé thématique de la chanson Kasàla dans la société luba. Cela nous permettra, par un effort réflexif suivi, d’approcher la compréhension de cette chanson kasala, d’en saisir le fond et surtout son contenu.
Hormis l’introduction ainsi que la conclusion, notre essai de compréhensions’articulera sur deux chapitres. Dans le premier, nous allons parler de l’aperçu général de la société luba tout en expliquant la source ou l’origine de kasala. Dans le second, nous expliquerons le contenu de kasala.
Géographiquement le sud-kasaï était compris entre le 23eme et le 25eme degré de longitude, le 5eme et 8eme degré de latitude sud. C’est une région baignée par le Lubilànji et Lubi à la différence du kasaï-occidental région baignée par la rivière kasayi et Luluaau centre même de la ville.
Ce territoire du kasaï-sud est peuplé par les Baluba bà kabàmba ainsi désignés par le nom de leur ancêtre. On les appelle aussi Baluba-Lubilànji, au nom de la rivière sur les bords de laquelle ils habitent. Ils sont Baluba-Bambo selon l’appellation qui leur vient de leurs voisins orientaux bayembi ou basonge et Bapemba. Mais eux-mêmes, jadis s’appelaient Beena Lubilanji ou gens de la Lubilanji et les occidentaux Beena Lulua ou gens de la Lulua. Les Bayembi les appelaient avec mepris Bâmbo ou Balubai. Et Bambo aurait le sens de chiens, ce qui s’exprime par le fait que les Bayembi, arabisés, faisaient la guerre et prenaient des Baluba en esclavage pour le compte des chefs arabes, Tipo-Tipo et Sefu, son Fils. Par la désignation Fils de Kabàmbà, on opposait les Baluba-Lubilànji par exemple aux Fils de Sangali ou shankadi c’est-à-dire les Baluba shankàdi, à la branche habitant le Buhembà : les Baluba-Hemba. C’est dans ce contexte que notre hauteur a écrit la chanson de Kasàla en disant :
Tudi bafume kwà kasonga kudiba : nous sommes venus du pays de kasonga, au levant ;
Tukààdi bu nzoolo mwiba bana : nous sommes dispersés tels les poussins d’une poule victime d’un vol ;
I.1. Le passage
Ce passage laisse entendre que les Baluba-Lubilànji auraient quitté leurs pays d’origine à la suite de troubles internes. Lazare Mpoyi donne Kasongo kadimbi Nkumwimba comme chef de file de cette immigration. Fils aîné de Mùlopo kasongo mwine kàbanzà ou kasongo wa ku Dïbà, il fut doublement déçu. D’abord il rata la succession au trône de son père. Ensuite, revenant du lac samba où les auspices lui avaient été victime d’injures et de vexation de la part des partisans de son frère cadet, vainqueur. Ceci implique que les deux compétiteurs non seulement de mères différentes, mais aussi que celle de l’aîné était de rang supérieur. L’infortuné candidat, qui, du vivant de son père menait déjà la vie d’un grand, réunit tous ses partisans. Précèder d’une longue colonne d’émigrantsil se dirigea vers le nord-ouest, dans la direction du trois branches de la Lubilànji : Bituuta, kaaleelu (appelé aujourd’hui Kananga et Mbuji Mayi. Il s’arrêta à l’endroit qui porte aujourd’hui le nom de Miabi qu’on appelle également au singulier Mwabi, signifiant la chance, la bonne fortune et c’est à ce niveau que s’est établi aujourd’hui l’Unité Kasaienne ; en ciluba : tudisangishayi Tudi bena Muntu. C’est donc un endroit de la bonne fortune. Kadimbi décida d’arrêter sa démarche à cet endroit mais la tradition n’indique pas pourquoi.
I.2. le peuple luba
Le peuple Lubà comprend différents groupes :
les BaHembà oubàlubà-Hemba vers le nord-Est, qui se situent entre le Luàlaba, le Tanganika et le Moëro.
les Bàlubà-katanga et les kanyoka, au sud, entre le Mbuji-Mayi et la Lubulànji, Lubilànji et Luàlaba.
les BaYembe, vers le nord, entre Lomani et Lubilànji.
les Beena Lulua, dans les vallées de la Lulua, au nord des kanyoka.
les bakwà Luntu, dans la vallée de la Lubi.
A part les Hemba, ces groupes sont prélinéaires. On peut les classer en deux catégories :
a.les Bàlubà-katanga organisés en Etat ;
b. les BaYembe, les bakwa luntu, les Beena Lulua et les baluba-lubilanji étaient groupés dans les grandes villes gouvernées par des chefs puissants soutenus par l’association politico-religieuse du bukishi en structure politique segmentaire.
II.1.Le contenu de la chanson ou Kasàla
Parmi les genres du kasala, musambo ou chanson peut être classée en trois catégories suivant la fonction qu’elle remplit.
1)masanka (pour la joie), les amusements dans la société. Cette catégorie comporte de sous-classes selon les instruments d’accompagnement utilisés et le contexte. Ainsi, au cours de bibilu ou festivités, rassemblements populaires, on peut entendre des bisanji : chansons accompagnées aux instruments à lamelle en fer, récemment introduits par les serviteurs des missionnaires. Ils apparurent pour la première fois dans les missions catholiques de Mikalayi et de Bunkonde.
2)Dans le sud Kasaï, nous avons constaté les formations dirigées par kadima nsenji de Beena mpaatu à cilenge et à Mbuji-Mayi. Ils sont presque tous spécialistes dans le genre dit cikùna qui raconte les petites histoires locales et d’actualités.
3)Nous avons aussi des groupes des quitaristes au Kasaï oriental, mais ils n’ont pas fait long feu. L’unique survivant qui ait produit quelque chose est le moraliste kabongo. Il a chanté en ciluba et en swahili.
II.2. le contenu de Kasàla
1)Cimbu n-cifwà mu Kananga ;une débâche s’est produite à Luluabourg, celle
Mwena bàyende mwimpe ;qui a un bon mari, qu’elle le mette dans une
Eelé mu mushèté ;malle, qu’elle prenne la clef, et la garde sur
Angata mvungùla,le bord de son pagne.
Ende nendè ku cilambà.
2)Tudi nkonga konganganaayi ;si nous sommes des Nkonga, réunissons-nous,
Nkonga waakushààla cya nyimaun Nkonga qui reste en retard porte sa responsa
m-bwalu bwendè ;bilité ;
Tu konganganaayi tùyaayi kwètùréunissons-nous, nous allons dans notre pays.
Patwàyà apa :lorsque nous y serons arrivés : que le kalonji
Mukwàkalonji apite àase mupasse et aille habiter à ngandanjika et à cilenge
Ngandanjika ne mu cilenge ;que le Diishi habite à Miabi et à Dibundi ;
Mukwa diishi àase mu Miabique Kalamba (Beena Lulua) habite malandi
ne mu dibindi ;et luluabourg.
Mwena Luluaku malandi wakasaiens, partons chez nous, allons habiter
Nshinga ne ku cisese ;auprès de nos parents ;
Kàdi m-màshinyi kaayi atwafutàKatanga est un pays, mais ses habitants sont
Bwa kuya kwètù ?un fléau
kàsayi tuyé kwètù tùye kusomba
Kudi baledi bèetù ;
Katanga n-ditùnga bàdi munda mwa
n-cyoole
3)cilumbù n-kasa badi mwamwa bààkila ;un procès en jugement est comme un jeu :
Badi mùnu bààkilaceux qui sont en face l’envoient ; ceux qui
Cilumbu m-mupimbi wa ngajisont ici l’attrapent ; le procès est comme
Pawamba wààlekela waashiilakùun décorticage des noix, quand tu auras
Bakwàbo bàmbako ; parlé, arrête-toi, mieux vaut laisser à
Cilumbù m-madiba, patwapùwad’autres l’occasion de parler ;
Twavwa kuvùngulale procès est comme un tissu en raphia
Mulopo maweja nangila waalopokaDieu tout poussant est apparu ;
Ne bumanji mutumbanganyoil a les allures d’un bourreau ;
Ne mulumbu udulanganail est porteur n’une canne meurtrière
Ne difuma kalengeja mutondoet d’une lance d’apparat
Ne mwela mutookatooka il porte d’un glaive étincelant qui cherche
Udi wenda ukeba bintu mpangulaa mitodes choses comme des têtes à couper ;
Mulopo maweja nangila ;Dieu tout puissant, Badibanga toi que
Badibanga nsambukaa bisaala ne gène aucun obstacle dans ta course.
5) Nkole mwanaa bintu Ilunga Mbidyotoi le puissant Ilunga Mbidi maître des
Banga banga mulumaa luntente Nkodyo ;choses, le querrier redoutable ;
Mulengele wa kwasa nyanga ne cilongotoi qui es digne de porter les plumesde
Wa kujika ku mutunyanga et une fleur sur la tête ;
Mukalenga baakubukila baapangaseigneur pourquoi t’appelle-t-on en vain.
Kudi baamuvwala mwena ngomapar les porte-tambour ?
Enda mwendenda nkashaamamarche comme un léopard ;
Enda mwendanda ntambwamarche comme un lion ;
Mukalenga fwakunu unngitabaseigneur, viens me répondre muni des
Ne bitookatooka bya leeluchoses blanches de cette époque
Dikumi tèntèune bonne dizaine
Dikumi tèntèune bonne dizaine
Ke didyadya baamuvwala mwena ngomac’est celle là qui convient aux
Mukalenga kulenduku kuponoporte-tambour.
Seigneur, ne trébuche pas, ne tombe pas.
Au moment de conflits
6) Kwakalwa diibad’où monte le soleil,
Kwakalwa maaluil ne nous vint point d’affaires ;
Maalu onso aakalwatous les ennuis nous viennent d’où il alla
Amu kwakayadyo kubwelase coucher ;
Kwakalwa batookeil en vint des blancs, il en vint des
Kwakalwa mundyendyemundyendye et aussi des portugais montés
Kwakalwa mputulukeeshisur les œufs.
Mibanda pa ngombade plus, Kalonji alla mettre la main sur
Kadi kalonji wa kayal’affaire ;
Kutwa byanza bwalu bulwa panu ;cette affaire étant sortie se répandit
Bwalwa kututampaakeenacontagieusement sur nous tous ;
Tukààdi tukéba kwa kubwela kupanga.Nous cherchons en vain à nous en
Débarrasser.
II. 3.les enjeux éthiques de kasala
Le but de kasala est de provoquer les majinga, c’est-à-dire la nostalgie. Suivant le contexte où l’on veut faire produire les effets des majinga, on distique trois sortes de kasala :
1)kasala kà dikanda ou ka nvita, pour stimuler la bravoure et rendre résistant ;
2)kasala kà musambu ( de chanson) ou kà disàka ( de joie), pour provoquer la joie et la fierté.
3)Kasàla kà madilu (de deuil).
-Les circonstances reguerant le courage ( bukitu), la force physique (dikànda), la persistance dans l’effort : comme le champ de bataille.
-Les circonstances de joie collective ( bibilu) comme la réception des notables du pays à la résidence du chef ( mu cibanza) ou bien un cortège officiel, ou encore une fête organisée par une quelconque des grandes figures du pays. Dans les circonstances précitées, on ne chantait le kasala qu’à des moments déterminés. Sur le champ de bataille , le chanteur du kasala, flanqué de deux accompagnateurs se tenaient aux côtés d’un grand querrier (cilobo) coiffé d’une plume rouge comme un dignitaire et en tenue claire, il portait des armes, mais ne combattait pas. Il surveillait le déroulement du combat. Le but était de susciter en eux un regain de force.
Le Kasàla chanté lors d’un décès n’était pas en général l’œuvre d’un spécialiste. N’importe quelle femme pouvait exprimer sa douleur dans ce style. Toutefois, la présence d’une professionnelle dans une maison de pleurs était remarquée. De sorte que les non professionnelles se tenaient l’une après l’autre pour l’écouter. Ainsi, elles apprenaient et l’art et quantité de choses dite à cette occasion.
-le mariage religieux. A défaut d’une femme spécialiste du kasala, un lecteur lisait devant le couple, une poésie rappelant par certains cotes le kasala. Il y énumérait obligatoirement la généalogie du mari, puis celle de la mariée.
-Les ordinations des prêtres catholiques et les jubiler religieux. Les organisateurs y intéressaient les villageois de sorte qu’au programme figurait le kasala avec participation des querriers mimant un combat (mfumu). On y lisait également le Mukanda.
-Les fêtes officielles, depuis la période coloniale, ont toujours donné lieu à des grandes manifestations culturelles animées principalement par des groupes issus des milieux traditionnels.
Danscette orientation, selon notre auteur, l’acteur use du langage dans son agir pour influencerl’autre, son interlocuteur. Un locuteur qui agit de cette manière vise le succès, car il veut amener l’autre à réaliser ce qu’il attend. En entrant en communication, il a déjà l’idée sur ce qui en sortira.
Il est à savoir que selon notre auteur, ici le langage est utilisé contrairement à son vrai but qui est l’intercompréhension. Et, c’est pourquoi les participants qui visent le succès peuvent tout faire en vue d’influencer les autres, c’est ainsi qu’Habermas dira : « (…) ils essaient de ne parvenir aux fins qui motivent leur action en influant, pour ce faire- par des moyens extérieurs, usant de la carotte et du bâton, de menaces des promesses séduisantes- sur les termes qui définissent la situation »[1]
C’est dans cette même optique, que se déploie le discours politique. Pendant la propagande beaucoup de candidats aux différents postes font des promesses séduisantes aux électeurs, tout simplement dans le but de se faire élire. Ainsi, le professeur Onaotsho Kawende écrit : « le discours électoral en est un qui se préoccupe moins de convaincre par sa visée émancipatoire, qu’à conquérir l’adhésion et les faveurs du public, à pousser les électeurs à voter pour leur parti»[2] Dans ce sens, le langage est détourné de sa fonction qui est l’entente, il devient un moyen de manipulation, de séduction, un instrument.
En outre, le langage orienté vers le succès est souvent à la base de désaccord dans la société. Cette utilisation du langage est à moral, inhumain, reprochable. Ceci se remarque par sa façon de structurer le discours de peur que son plan soit déjoué. Dans cette optique, le professeur Onaotsho dira : « ce discours se prête à la discussion, mais tout en déployant de te telle sorte qu’il ne soit pas sujet à débat »[3]Dans cet usage du langage, il n’y a pas de considération horizontale des acteursdans leurcommunication.
De plus, ce type de langage favorise la domination de certains sur les autres. Cet usage joue un rôle très important dans le pouvoir politique. Et quand le langage est orienté vers le succès, il y a domination des uns sur les autres. Par conséquent : « l’asservissement d’une catégorie des participants n’est qu’une conséquence logique de la rupture d’un équilibre intersubjectif »[4].Dans ce sens, nous comprenons que le langage orienté vers le succès a pour résultat le déséquilibre dans la société. Pour une bonne marche de la société, ilfaut chercher à établir l’intercompréhension par lelangage.
Il est important pour nous de signaler que c’est sur cet usage qu’est fondé notre travail. Car dans l’optique de notre auteur dans une activité communicationnelle les protagonistes ne doivent agir que de manière à aboutirà la définition commune de leur situation. En cherchant tout ce qui est possible pour parvenir à une convention admise par tous les participants, les protagonistes visent l’intercompréhension ; processus qui exige la reconnaissance de la validité d’un tel ou tel autre acte.
Au dire de Habermas, l’activité communicationnelle ne peut réussir que si elle aboutit à la compréhension entre les différents sujets. C’est ainsi qu’il écrit : « dans l’activité communicationnelle, le langage acquiert, par delà la fonction d’intercompréhension, le rôle de coordonner les activités orientées vers un but, de plusieurs sujets de l’action, etil joue aussi un rôle d’un médium pour socialiser ces sujets de l’action eux-mêmes »[5]. De ce qui précède, la fonction du langage est de socialiser les individus ; en vue de l’entente mutuelle.
A notre avis, dans la vie quotidienne si tous les hommesfont toutpar le dialogue pour chercher l’entente entre eux, beaucoup de conflits inutiles qui déchirent notre monde n’existeraient plus. Autrement dit, la communication exige que tous les acteurs acceptent d’accorder leurs projets d’actions et de tendre vers leurs buts respectifs pourvu qu’une entente sur la situation et les conditions escomptées existe. L’intercompréhension suppose la satisfaction de tous les participants.
Dans le sens habermasien, l’attitude orientée vers l’intercompréhension doit être élucidée presquetoujours au regard des actes illocutoires. Un tel usage du langage est au centre de la pragmatique universelle qui veut la présence d’une société en droit illimité, exemptée idéalement de toute force d’influence. La communication est entendue comme une action visant l’harmonie, l’entente entre les différents participants et l’adhésion libre.
Selon Habermas, lesprocès d’intercompréhensionvisent l’entente rationnellement motivée. Car la communication ne passe quepar lelangage qui est son medium et ne vise que l’entente. A ce sujet ilécrit :« l’intercompréhension (vestandigung) est inhérente au langage humain comme son télos »[6].Sur ce, nous pensons que la compréhension entre les différents sujetsdoit être la finalité de l’activité communicationnelle.
Il est intéressantde signaler que le langage orienté vers l’entente recherche la coopération intersubjective: « les procès d’intercompréhension visent un accord qui, satisfasse aux conditions d’un assentiment (zustimmung) rationnellement motivé au contenu d’une expression »[7]. De ce fait, un accordobtenu par la communication sera rationnel par l’accord libre de chaque participant.
Le langage orienté versl’intercompréhension suppose un dialogue qui cherche à établir un consensus. Le dialogue suppose la présence d’au moins deux sujets. Car l’homme n’est pas une monade traversant sa trajectoire seul. Entrer en dialogue, c’est faire comprendre, car selon notre auteur, l’intention du locuteur s’épuise dans le faire-comprendre, afin que dans le procès d’ententel’interlocuteur prenne position par oui ou non. Dans le procès d’intercompréhension celui qui s’y engage ne doit pas croire posséder seul la vérité. Ainsi : « nul ne détient le monopole du sens ou de la vérité, des co-sujets comme partenaires qui ne font que concourir à l’avènement d’un en-commun, de la Vérité du dialogue »[8].
Bref, l’usage du langage pour l’intercompréhension est du fait qu’un " Ego " cherche à relier ses actions avec un " Alter Ego". Ici les participants visent des objectifs illocutionnaires. La réciprocité de relation entre les sujets est à la base de la coordination des actions sociales. Les sujets cherchent une coopération intersubjective, en vue d’établir l’entente.
Dans cette partie, notre préoccupation consiste à faire montrer les obstacles et les conditionsqu’établit Habermas pour la réussite d’une communication langagière. Il est utile de rappeler que l’acte du langage ne réussit que si l’autre prend position par oui ou non. Autrement dit une communication langagière au sens de notre auteur réussit dans la mesure oùelle aboutit à sa finalité qui est l’intercompréhension. Ainsi, Jean Marc Ferry définit cette activité comme : « l’activité humaine spécifiquement orientée à l’intercompréhension»[9].
Dans cette optique, il nous est important de parler succinctement de l’entente avant d’aborder les obstacles et les conditions qui le bloquent ou le rendent possible. L’intercompréhension est même condition d’une société. Cette affirmation est possible dans la mesure où la société est fondée par la communication. Lesprenants part à une activité communicationnelle doivent promouvoir l’entente entre eux.[10]
En outre, la compréhension intersubjective vaut comme un terrain d’entente entre ceux qui agissent communicationnellement. En d’autres termes, c’est une communication en vue d’un accord valide entre les participants. Ce terme a pour principe de joindre les actions d’un "Ego" à celles d’un "Alter Ego". Et cette adjonction au dire de Habermas n’accepte pas de contrainte, ici le paradigme sera : « la relation intersubjective qu’instaurent des sujets capables de parler d’agir, lorsqu’ils s’entendent entre eux sur quelque chose »[11]
Le processus d’entente est celui qui sert à la coordination des actions de plusieurs sujets dans la pratique communicationnelle.Ceux qui agissent en action, c’est-à-dire les protagonistes doivent avancer des raisons pour motiver l’adhésion des uns et des autres. Ainsi Habermas pense que l’intercompréhension est un : « processus de persuasion réciproque, qui coordonne les actions de plusieurs parties prenantes sur le fondement d’une motivation par des raisons»[12].De ce fait, l’accord issu des motivations rationnelles est valide. Outre cet accord, ily a des choses qui font obstacles à la réussite d’une activité communicationnelle.
Il y a plusieurs obstacles à la communication. Nous ne saurons les aborder tous dans ce travail. L’essentiel pour nous est de parler succinctement de ce qui fait obstacle à cette activité dans la perspective habermasienne. Nous allons nous attarder plus sur les conditions pour la réussite d’une communication langagière.
Notre préoccupation ici consiste à montrer que tout participant à la communication est comme un organisme soumis à un ensemble des forces externes ou internes lié à son histoire. Dans ce sens, il peut avoir de la considération ou dumépris pour les autres participants. En cas de mépris ces variables constituent un obstacle pour la réussite de la communication. A ce sujet Habermas écrit : « l’art de dominer inconsciemment des conflits que la psychanalyse explique à partir de stratégies de défense conduit à des perturbations de la communication affectant simultanément les niveaux intrapsychique et interpersonnel»[13]. Car dès que l’un des participants souffre de complexe de supériorité ou d’infériorité, il est difficile de promouvoir la compréhension entre les protagonistes en action.
Ces effets psychologiques peuvent se manifester sous plusieurs formes. Il y anotamment, le mécanisme projectif qui consiste à assimuler la pensée de l’autre à la sienne ou à prêter à l’autre ses propres sentiments, etle mécanisme de défense où le participant ne veut pas adhérer à l’opinion qui va à l’encontre de sa propre position. Ce qui constitue un obstacle pour unecommunication digne ce nom.
Le cas des mots polysémiques est ce qui a conduit Habermas à insister sur le contexte, car un seul mot peut avoir plusieurs sens différents. Ces mots constituent un mur pour la réussite d’une action langagière, dans la mesure où deux sujets en dialogue ont appris le même codedans les contextes différents.
A titre illustratif, nous prenons le concept "vedette" pour celui qui est à coté d’une rivière où les vedettes font des tours, il a l’idée de ce mot comme un moyen de transport. Alors que pour un acteur qui ne connaît rien de "vedette" comme moyen de transport, il aura l’idée d’une star. Ainsi la compréhension intersubjective serait difficile à atteindre.
En outre, les obstacles à la communication d’ordre pathologique sont causés par l’état psyho-somatique du proposant ou du récepteur. Ainsi, Habermas propose: « une cure autoréflexive sur le modèle explicite de la cure psychanalytique à la société contemporaine, afin de retrouver les véritables intérêts pratiques cognitifs et libérer ainsi l’espace public-social du parasitage idéologique qui perturbe la communication en son sein»[14].
Au sens de Habermas, les manifestations pathologiques peuvent affecter la communication. La domination provoquée par l’un des participants perturbe la communication, dans la mesure où elle peut conduire à un mécanisme de défense.[15]Ici le proposant n’agit plus en vue d’un accord valide et rationnel, mais pour se défendre.
Dans ce même sens, Moix Candide pense qu’il faut aussi ajouter la perturbation de la communicationprovoquée par le non respect des valeurs humaines et morales qui conduisent parfois à l’égocentrisme, au refus de l’autre, et à la légèreté par la considération des relations entre les sujets.[16] Bref,la cause principale des obstacles à la communicationdoit être au sens habermasien, l’affectation négative de l’un des facteurs qui constituent la communication.
Pour Habermas, comme nous l’avons dit, la communication reste une activité intersubjective cherchant l’entente. Ainsi Guy Félix Duportail, commentant Habermas, dira : « toute communication réelle serait ainsi intéressée pour le succès même de l’intercompréhension à l’actualisation d’une situation idéale de parole contrefactuelleanticipée par les locuteurs »[17].Pour notre auteur, il faut remplir quelques conditions pour parvenir à cette fin noble qu’est l’intercompréhension.
Il est question de savoir que selon notre auteur, la notion de l’intercompréhension exclut immédiatement celle de l’impérialisme. Elle est comprise comme interaction de coopération, ceci impliquel’ouverture et la reconnaissance entre participants à la communication comme dessujets autonomes et semblables ; c’est-à-dire libres. Il faut que les sujets se conforment avec les normes éthiques . Ces normes rationnelles visent à orienter les sujets en dialogue. Comme le pense Habermas, ces normes prônent le refus de contrainte et la reconnaissance intersubjective des sujets doués de raison capables de parler et d’agir.
En ce sens, nous voulons affirmer que l’intercompréhension n’est possible que si les sujets en dialogue obéissent à des normes éthiques, qui protègent la communication des violences pour les intérêts de quelques particuliers. L’idée de violence vaut son pesant d’or dans la mesure où ceux qui agissent communicationnellement émettent, chacun une exigence particulière. D’où la communication doitêtre fondée sur la morale, pour aboutir à une finalité noble qui est l’établissement de l’entente.
La morale de justesse et vérité que prône notre auteur trouve son sens dans la confrontation et la canalisation des prétentions à la validité présentées par les acteurs. Bref, l’accord rationnel auquel aboutit une communication n’est possible que si les parties prenantes acceptent que leur activité soit régiepar les normes morales. L’intégrité morale du locuteur et de l’auditeur constitue une des conditions nécessaires pour la réussite de l’activité communicationnelle.
Les standards sont ce qui est supposé être connu de tous. Au dire de Habermas, pour parvenir à l’intercompréhension, il faut que le proposant puisse tenir compte des autres participants en utilisant ce qui estconnu de tous. Ainsi, écrira -t-il : « celui qui veut s’entendre avec autrui est obligé de supposer des standards communs à l’aune desquels les participants peuvent savoir si un consensus a lieu ».[18]De ce fait, on peut dire que les standards constituent l’une des conditions pour la réussite d’une action langagière.
En outre, Habermas accorde une grande importance au contexte. Pour lui, il faut que la situation du contexte soit bien réglée dans toute communication. Les acteurs doivent s’inscrire dans le même contexte d’énonciation du discours. Ainsi, Habermas écrit : « pour chaque type d’actions langagières, il faut que soient remplies les conditions générales du contexte pour que le locuteur puisse obtenir un succès illocutionnaire».[19]
C’est dans cette perspective que notre auteur incorpore parmi les préoccupations de la pragmatique, non seulement les actions langagières directes ; mais aussi indirectes, figurées, ambiguës, l’arrière fond qui donne des significations contextuelles exactes. La signification d’un acte de parole ne peut pas se passer en dehors des conditions contextuelles.
Ici, il est question de l’attitude du locuteur ou du participant. Celui-ci ne doit pas agir stratégiquement, il doit agir comme un "Ego" qui veut coordonner ses actions avec un "Alter", afin qu’ils puissent s’entendre sur quelque chose.
Selon Habermas, les participants ne doiventposer que des actes qui vont leur permettre de se mettre d’accord comme partenaires. Car la compréhension d’un acte de parole dépend de celui qui fait que celui-ci soit acceptable.[20]De ce fait, nous nous rendons compte que les participants doivent prendre part en vue de comprendre. Le proposant ne doit pas agir avec exigence de coordonner son agir dirigé vers un objectifavec celui des autres participants immédiats.
Pour le dire autrement, celui qui prend part à un procès de communication, doit agir toujours de façon à établir des relations interpersonnelles. Dans ce processus, il est demandé aux participants d’adopter l’attitude de dialogue et d’écoute, en vue d’une compréhension réciproque. Autrement dit, par l’écoute et dialogue, les acteurs agissent en vue d’une coopération intersubjective. Pour ce, voilà l’exigence pour nous de faire appel à la tolérance.
L’idée de toléranceest très significative dans la pensée habermasienne. En effet, pour notre auteur, celui qui prend part à une communication doit savoir que des autres peut sortir quelque chose de bon. En d’autres termes, quiconqueprend part à un procès d’entente doit être disposé à accepter que la perspective de l’autre soit aussi bonne. Les participants doivent aussi accepter les critiques: « chaque consensus repose sur une reconnaissance intersubjective des prétentions critiquables à la vérité ; et par là même il est présupposé que ceux qui agissent communicationnellement sont capables de critiques réciproques »[21].
La tolérance exige aussi que l’autre soit considéré comme tel, car il est affirmé qu’il peut contribuer à l’établissement de la recherche de l’intercompréhension. Etre tolérant,implique une desabsolutisation de soi, car « c’est peut être l’autre qui a raison ».[22] Ceci nous laisse dire que pour parvenir à un accord valide dans la communication, l’acteur doit être disposé à entendre les propos des autres. C’est ainsi que nous posons la tolérance comme une des conditions pour la réussite d’une communication langagière.