EPIGRAPHES
«Les fondements principaux des Etats, aujourd’hui comme hier, sont de deux sortes : les bonnes lois et les bonnes armes. Je conclus donc qu’aucun Etat n’est sûr s’il ne dispose d’une armée qui lui soit propre et que tout prince nouveau doit compter d’abord sur sa virtù ou ses propres armes, forces et talents que ceux d’autrui.
Beaucoup se sont imaginé des républiques et des principautés que jamais personne n’a vues ni connues réellement. Mais la distance est si grande entre la façon dont on vit et celle dont on devait vivre, que quiconque ferme les yeux sur ce qui est et ne veut voir que ce qui devrait être apprend plutôt à se perdre qu’à se conserver ; car si tu veux en tout et toujours faire profession d’homme de bien parmi tant d’autres qui sont le contraire, ta perte est certaine. Si donc un prince veut conserver son trône, il doit apprendre à savoir être méchant et recourir à cet art ou non, selon les nécessités.
La liberté d’un peuple corrompu s’avère impuissante pour la refondation d’un pays en état de brigandage.»
Nicolas MACHIAVEL (Le Prince)
«La politique est égale action et toute action tend à la réussite.»
Raymond ARON (Préface du livre Le Prince)
«A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.»
CORNEILLE (Le cid)
DEDICACE
A mon cher père BOONGO NTANGA Jacques pour son amour paternel et son souci inlassable d’éducation,
A ma chère mère ISEKA NKONSIKO Marie-Jeanne pour son immense amour maternel et m’avoir appris le sens du travail et de la patience,
A vous tous qui m’êtes unis par le lien de sang maternel et paternel, avec qui j’ai grandi dans la communion,
A mon cher oncle MBOKUBA MBOLO Jean-Louis et son épouse MPEMBE ISOMI Yvette pour tout ce qu’ils sont dans ma vie,
A tous les africains qui mènent une lutte sans relâche pour la refondation et la conservation du pouvoir de l’Etat dans leur pays en vue du bien commun,
Je dédie ce travail, fruit de mes premières investigations philosophiques.
REMERCIEMENTS
Au terme de notre cycle d’études philosophiques, nous voulons nous acquitter de l’agréable devoir de remercier toutes les personnes qui nous ont aidé d’une façon ou d’une autre, pour franchir cette étape combien importante de notre vie.
Notre gratitude exceptionnelle s’adresse au seul Dieu très haut et à la Très sainte Vierge Marie qui sont pour nous, source, soutien et espérance de vie sur terre.
Nos très sincères remerciements s’adressent à vous, professeur Jules KIPUPU, sj pour la disponibilité avec laquelle vous avez su nous accompagner dans l’élaboration de ce travail. Merci professeur pour tout ce que vous avez été pour nous et surtout pour votre sens de patience et de rigueur dans la recherche de la qualité ; cela prouve à suffisance votre souci du travail bien fait et de porter plus haut l’étendard de notre chère mère Faculté Saint Pierre Canisius. Puisse le seigneur vous bénir dans toutes vos entreprises.
Nous tenons aussi à remercier de façon spéciale le corps professoral et administratif de la Faculté de philosophie Saint Pierre CANISIUS, le R.P.NTIMA N’KANZA, R.P. Bernard MUHIGIRWA, R.P. MPAY, R.F. NKETO, R.P.MPULULU, R.P. BWANGILA, R.P. LENTIAMPA, R.P. KUPELESA, R.P. BUNDANGANU, Abbé PHUNGA PHUNGA, Prof KUTUMISA, Prof KIKA, Prof MUBANZA, Prof SIGITELE, Prof PINDI, Prof MABIALA, et tous ceux qui travaillent dans les différents offices de la faculté.
Nous exprimons notre reconnaissance à la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM) pour la bienveillance avec laquelle elle a su mettre à notre disposition les moyens nécessaires afin de bien mener ce travail. Nous pensons particulièrement à notre Père Général EDOUARD TSIMBA et son conseil, à notre Père Provincial Maurice NSAMBO et son conseil, à tous nos formateurs au Prénoviciat Père NKONGOLO le R.P. Dominique NTENDA, R.P. Godefroid MOMBULA, R.P. Louis NGOY, le R.P. Liévin MWAMBA, R.P. Alphonse MBUYI pour leur souci de notre plein épanouissement dans le processus de la formation initiale.
Nos remerciements s’en vont également à l’endroit de tous les missionnaires CICM de part le monde, le R.P. Jean Claude KANKU, R.P. James MEMORANDO, R.P. BONG AQUINO, R.P. Paul LEPOUTRE, R.F. Louis LOKUMU, R.P. Sébastien KHONDE, R.P. Paul DELRUE, R.P. Sylvain LESAUYE, R.P. Valentin MALUMALU, R.P. Théotime LULENDO, R.P. Sylvain BAKANDA, R.P. Pierre WILNER, R.F. Raymond MASIALA et tous les autres dont les noms ne sont pas repris ici. Qu’ils trouvent à travers ces pages, l’expression de notre gratitude.
Nos sentiments de profonde reconnaissance et nostalgie s’en vont à l’endroit de nos frères et sœurs, neveux et nièces, cousins et cousines, BENTETI Boongo, BAPOMA Boongo, MBOKOLO Boongo, LOKONDA Boongo, BAPENKOY Boongo, BETOKO Boongo, AMBA Boongo, MBOKU Boongo, NTANGA Boongo, MAYO Boongo, NGONGA Stéphie, mes deux grand-mères MPO et BIKAMBA ;mes deux regrettés grands pères BETOKO et NTANGA, ma très chère Grâce MBOKUBA, Cadine MPUTU, Fabiola ISEKA, Dady WANGOLO, Mara NDJEU, Mon Oncle Maurice, F.IPEKE, L. MBO ILAKO, Dieu LIKO, Fiston MBONKUMU, Maman MPIA-NGINDA, Gife NSANZEBA, ainsi que tous ceux que nous aimons bien, mais dont l’espace du papier n’a pas permis l’apparition des noms. Que ce travail soit l’expression de sympathie.
Nous ne pouvons ne pas penser à nos chers aînés du diocèse d’Inongo Mgr Eugène MOKE, Mgr Léon LESAMBO, Mgr Laurent MONSENGWO, Mgr Philippe NKIERE, et nos formateurs au Petit Séminaire Saint Louis de Gonzague de BOKORO, Abbé Jacques MPIA BEKINA, Abbé M. ETWAMINA, Abbé R.MAWA, Abbé D. NKANO, Abbé D. EPAMBALE, Abbé F. MOLEKANTONE, Abbé B.BIAYI, Abbé P. WELO, Abbé T. BOLA, et aussi tant d’autres aînés abbés du diocèse d’Inongo Abbé R. MWAMPETI, Abbé NSANGI, les regrettés Abbés Jean-Jacques KELIKI, Abbé BOYINA, Abbé NZENGERI ; mes amis grands séminaristes E.NZENTOLO, F.BEKWAKA, R.NSANGOLO, W. NTWAZI.
Mes remerciements nostalgique à mes compagnons de lutte jésuites et laïcs : Mirielle MVONDO, Thierry NSADISA, Fulgence TIENI, Sj, Giscard NTEBA, Sj, Jacques Michel NGIBOUS, Geoderbe KONDANI, Sj, Emmanuel GILONGANZAMBI, Sj, Didier CIMALAMUNGO, Sj, Désiré MUKENGERE, Sj, Patrick MUNSANTU, Sj, Patrice DJIMADJIBAYE, Sj, Sirano DIMENI, Sj, Benedict MAYAKI, Sj, Léon HOUNSA, Sj, Joseph THERA, Sj, Christian NGOSO, Sj, Erick NDJULU, Sj, qu’ils comprennent combien je supporte péniblement notre séparation.
Nous ne pouvons pas passer sous silence nos confrères au Prénoviciat Père Nkongolo et les novices MASOFETE Christol, PFINGU Martin, GBOKO Amand, YAMBIO Léon, KAKENDA Pascal, BUKASA Jean de Dieu, KAZENGA Jean-Marie, N’KIEWU Isidore, MUAKO Emery, BONKELO Augustin ; les G1 : AYITA Olivier, BOKA Pascal, BOKELO Delphin, CISUAKA Jean-Marie, IYOLO Blaise, KABEYA Leonard, KALALA Fabien, KANDE Augustin, KIMBU Jonas, KINA Auguste, MBAW Olivier, MUKUNA Marcel, MUANDA Théodore, NGISYA Raymond-Divin, TSHIOWA David ; les G2 : DATY Hervé, KABOSANI Faustin, KALOMBO Georges, KAPITA André, KITUNGA Julien, KOMANA Jean-Romain, MAKILO Venance, MILEKA Ghislain, MONAYI Frédéric, MONSENGO Fresnel, MULOPO Dieudonné, NKANDA Sylvestre, NTUMBA Dieudonné ; Les G3 et Compagnons de lutte : EBONDA Jean-Pascal, KABASELE Albert, KALONDA Héritier, MANDONA Emmanuel, MBIYA Hubert, MBOMBO Didier, MOLONZO Bienvenu, PHANGA Gérard, POPO Bernard, TSHIBUABUA Ben Roland, MATSUNDI Philippe avec qui nous avons contre vents et marrées, joies et peines braver cette aventure de la formation missionnaire, religieuse et académique CICM.
IKAMBA BOONGO Thierry
0. INTRODUCTION GENERALE
« Des soubresauts que connaît notre monde nous forcent à penser plus radicalement et sans complaisance la politique en tant qu’action humaine fondamentale. Devant les effets pervers d’une certaine démocratie, il paraît indispensable de prendre la mesure des leçons éternelles du livre Le prince de Nicolas Machiavel. »
[1]
A voir le monde actuel, l’heure n’est plus à la complaisance ; les rapports entre les Etats se basent de plus en plus sur la force et les intérêts, mieux sur la loi du plus fort. Pour jouer un rôle dans le concert des nations aujourd’hui, il faut être fort et présenter un champ d’intérêts.
Il nous semble que de nombreux dirigeants de pays africains en général, ceux de la R.D.Congo en particulier ne semblent pas saisir cette donne du monde actuel. Ils restent encore dans des rêveries et comptent sur la générosité des autres, sur leur bonne foi, bref sur leur pitié. Il s’agit là à notre avis d’une attitude infantile, d’une immaturité qui ne mérite ni excuse, ni louange ; mais plutôt blâme sur blâmes et correction.
Devant une telle réalité, nous nous sommes demandés, quel penseur pourrait aider à penser une solution à ce grand fléau politique ? Le mémorable et pénétrant Machiavel nous a paru l’homme indiqué. En effet, ses leçons éternelles et réalistes peuvent nourrir les réflexions sur l’action politique aujourd’hui.
Citoyen italien, Machiavel est né en 1469 et décédé en 1527 à l’époque de la Renaissance. Homme scientifique, mieux sociologue de la politique et philosophe, il vécut dans une Italie marquée par des violences et confrontations entre villes et cités. Il s’agit d’une époque où l’Eglise avait une grande influence sur le pouvoir de l’Etat ; une époque marquée par l’interaction entre l’Eglise et l’Etat, mieux entre le pouvoir et la religion
[2]. Dans une telle situation, Machiavel pose l’exigence de séparer la politique de l’Eglise et de la morale. Son principal objectif était l’unification d’une Italie déchirée par des guerres et envahie par les barbares.
Fonctionnaire de l’Etat, Machiavel fut secrétaire de la seconde Chancellerie de la République florentine et secrétaire à la disposition des dix de la liberté et de paix (magistrats élus, chargés de divers services publics et en particulier de la correspondance avec les représentants de florence à l’étranger). Homme politique actif, tout ce qu’il a écrit, il les tirait de son expérience comme homme politique et aussi de ses connaissances acquises par la lecture des anciens.
Machiavel connut une vie ou une carrière marquée par divers événements et difficultés. Et c’est pendant sa retraite politique qu’il eut l’idée et le temps d’écrire son livre Le prince en 1513 qu’il nommait lui-même De principatibus. Ce sont ses éditeurs qui le baptiseront Le prince. Il a aussi écrit d’autres livres, notamment Le Discours sur la première Décade de Tite Live (1513), Histoires de la florence (1520-1525).
Tout au long de ce travail, notre attention sera focalisée sur Le prince, écrit en 1513 dans sa résidence de retraite politique à Santo Andrea in Percussina.
Dans Le Prince, il est question de leçons destinées au prince sur l’art d’acquérir et de conserver le pouvoir, mieux sur l’art de gouverner. Machiavel s’adresse aux Médicis, précisément à julien de Médicis qui exerce le pouvoir à Florence. Il le croyait l’homme indiqué pour unifier l’Italie. Mais Julien meurt et le livre est dédicacé définitivement à son neveu Laurent de Médicis.
Comment acquérir le pouvoir dans un Etat ? Quatre moyens sont proposés par Machiavel, mais les deux premiers seulement l’intéressent d’une manière particulière. Par la virtù, par la fortuna, par la scélératesse et par la faveur de ses concitoyens. Et comment conserver le pouvoir dans un Etat ? Chaque Etat ou principauté (héréditaire, mixte, nouvelle) mérite une manière appropriée de conservation. De toutes ces formes, les principautés nouvelles sont les plus difficiles à conserver. D’où le prince a un rôle majeur dans l’avènement d’une telle principauté.
Les armes et les lois ont une grande importance dans la conception machiavélienne du pouvoir. Le prince devra y prêter une grande attention en vue de consolider son pouvoir. Machiavel distingue quatre sortes d’armes (les troupes mercenaires, auxiliaires, mixtes et les armes propres). Il précise que de toutes ces armes, les armes propres sont les seules qui conviennent pour l’entreprise du prince ; tandis que toutes les autres sont dangereuses. Une armée nationale est la seule forme d’armée recommandée pour le maintien de la paix et la conservation du pouvoir. Une armée étrangère ne libère pas, parce qu’elle fait naître avec elle beaucoup d’autres graves problèmes après une victoire ou une défaite. La loi est au côté de l’armée, une des bases fondamentales d’un Etat. Il n’y a donc pas de bonnes armes sans bonnes lois, pas non plus de bonnes lois sans bonnes armes.
Le prince doit incarner un certain nombre de caractères qui le rendront prompt à mener à bon port son entreprise. De ce fait, il doit à la fois faire l’homme et la bête. Comme homme, il doit faire preuve d’humanité et comme bête, il doit être à la fois lion et renard.
L’unification ou la refondation et la conservation du pouvoir de l’Etat en Italie étant l’objectif de Machiavel dans Le prince, tous les moyens lui semblent alors bons, pourvu qu’on arrive au but assigné ; d’où l’affirmation : la fin justifie les moyens . Si la réussite d’une action exige un moyen moralement répréhensible, ce moyen devra donc être utilisé ; si c’est un moyen moralement irrépréhensible, il faut aussi l’utiliser, au bon moment pourvu que le but poursuivi soit atteint.
La refondation et la conservation du pouvoir des Etats faisant problème dans notre société moderne, nous trouvons en la pensée machiavélienne une réponse salutaire pour les nombreuses questions et multiples problèmes qui nous accablent. En effet, plusieurs personnes pensent au pouvoir sans savoir comment y accéder ; d’autres par contre y accèdent sans savoir comment le conserver.
La plupart de difficultés de nos Etats sont dues au manque de connaissance et de mise en pratique par les dirigeants politiques de cet art de conquête et conservation du pouvoir. Alors on est en face des chefs qui n’ont pas leur pesant d’or, et se font remarquer par une crise d’autorité tant au niveau interne qu’externe de leurs Etats. Et c’est à la lumière de la pensée machiavélienne que l’on peut déceler l’incompétence de ces dirigeants.
Nous croyons que ce travail a sa raison d’être dans notre société actuelle parce qu’il peut nous apprendre le vrai comportement du chef, les actions et les attitudes nécessaires pour une bonne gouvernance des hommes.
Nous sommes les partisans de la liberté, mais par amour patriotique et par la prise de conscience de la réalité du monde, nous croyons que la liberté d’un peuple corrompu s’avère impuissante pour sortir un Etat de son abîme. Par exemple, plusieurs congolais aujourd’hui souhaiteraient plus vivre sous un seul prince absolu garantissant la concorde intérieure de la nation et sa sécurité extérieure que vivre sous une certaine démocratie livrant le pays au brigandage, à l’insécurité interne et à la merci de l’étranger.
L’intérêt de ce sujet est qu’il nous pousse à réfléchir sur ce qui peut être salutaire et prometteur de paix, de justice, d’ordre, de force, d’efficacité et d’utilité dans le concert des nations.
En titrant notre travail « Refondation et conservation du pouvoir dans un Etat » nous voulons par une approche thématique, compréhensive et même critique retrouver l’axe de la pensée machiavélienne. Par thématique nous pensons à l’étude des différents thèmes qui font l’objet de notre ouvrage Le Prince ; mieux nous allons restituer en nos propres mots, ce que l’auteur a voulu dire dans son livre. Par compréhension, nous visons une conception ou appréhension claire de ces thèmes ou de la pensée de l’auteur dans cet ouvrage. Et par critique, nous voudrions garder notre capacité de jugement durant cet exercice de compréhension en vue d’une certaine objectivité philosophique.
Ce travail se subdivise en trois grands chapitres, précédés d’une introduction générale et suivis d’une conclusion générale :
- Le premier chapitre intitulé, Conquête et conservation du pouvoir nous parlera d’abord de différentes formes de principautés ; puis des différents moyens proposés par Machiavel pour les acquérir et les conserver.
- Le deuxième chapitre, Des armes et des lois dans un Etat, nous parlera de l’importance des bonnes armes et des bonnes lois dans l’avènement d’un nouvel Etat et de leur complémentarité.
- Le troisième chapitre, Le profil d’un prince, tentera de nous donner les différentes qualités que doit avoir ou feindre d’avoir un prince pour mieux mener son entreprise politique.
De nos jours, comme des jours anciens, plusieurs Etats (organisations sociales) n’ont cessé de fonctionner à contre courant de ce qu’on attend d’eux. Les uns, dirigés par des leaders éclairés et prudents sont entrain de se développer. Les autres par contre, dirigés par des leaders incompétents et imprudents, accroupissent dans la misère la plus totale et sont livrés au brigandage.
Laissant de côté le premier groupe (qui, à notre avis, semble accomplir son vrai devoir), nous nous tournons vers le second pour blâmer et corriger son manque de vision dans le monde actuel. Pourtant dans cette catégorie, on trouve plusieurs citoyens vertueux, nationalistes et compétents qui peuvent amener les leurs au progrès et au développement. Mais hélas, ils ne savent cependant comment s’emparer du pouvoir, ni comment le conserver pour la réalisation de ce sain dessein qui est le bien commun. Faut-il leur rappeler que la politique est un art et renvoie au savoir faire et qu’en politique, les seules bonnes intentions ne suffisent pas ?
Dans ce premier chapitre de notre travail, Machiavel va nous enseigner de quelle manière on peut parvenir au pouvoir et comment y demeurer pour la réalisation du bien commun. Mais avant tout, il sied de spécifier de quel Etat dont nous voulons parler et combien de sortes en distingue-t-on ? « Laissons de côté les républiques dont j’ai par ailleurs discourues longuement. Je considérerai seulement les principautés en tissant sur la trame ourdie ci-dessus ; j’examinerai comment on peut les gouverner et les conserver »
[3].
Machiavel distingue deux sortes de principautés : héréditaires
[4] et nouvelles
[5]. Parmi les nouvelles, nous trouvons celles qui sont mixtes
[6] et celles qui sont entièrement nouvelles. Parmi les mixtes, il y en a qui sont ecclésiastiques
[7] et d’autres civiles
[8]. La mission de Machiavel est de proposer des mécanismes de refondation d’un Etat nouveau, mais cet Etat nouveau doit se refonder sur des territoires qui étaient jadis, soit des principautés héréditaires, soit encore des principautés mixtes, soit enfin des territoires entièrement nouveaux.
- Les Principautés héréditaires sont des principautés dans lesquelles la famille du prince y a gardé longtemps le pouvoir ; celles où le pouvoir se transmet du Père au fils, de l’oncle au neveu etc.
[9]
- Les Principautés nouvelles se subdivisent en principautés mixtes et entièrement nouvelles.
a) Les Principautés mixtes sont des principautés proches des nouvelles, mais membres d’une autre plus ancienne. On en trouve aussi de deux sortes :
i. Les Principautés civiles relèvent d’une ancienne principauté laïque (France, Espagne etc.)
ii. Les Principautés Ecclésiastiques sont celles qui appartiennent à une ancienne principauté dirigée par l’Eglise à travers le Pape, cardinaux ou Evêques (Romagne, Naples).
b) Les Principautés entièrement nouvelles sont « celles qui sont nouvelles tant par le prince que par Etat »
[10].
La question qui demeure, est celle de savoir comment conquérir et conserver le pouvoir dans chacune de ces principautés, en vue de fonder un Etat nouveau et efficace pour le salut public.
Toutes les formes des principautés que nous venons d’énumérer, peuvent se conquérir de diverses manières. Il appartient donc au prince ou à l’aspirant au pouvoir de voir quels moyens lui semblent plus efficaces.
On peut conquérir le pouvoir par la virtù. Selon Jean Anglade « La vertu machiavélienne ne comporte aucune signification morale : elle inclut les divers talents physiques, et spirituels que la nature peut donner à un homme. Elle correspond alternativement ou tout ensemble à l’intelligence, l’habileté, l’énergie, l’héroïsme. »
[11]. La virtù se diffère donc de la vertu
[12] au sens platonicien, aristotélicien, kantien etc. La virtù chez Machiavel, implique « l’énergie dans la conception et la rapidité dans l’exécution des actions »
[13]. Elle ressemble à l’art de choisir le moyen en fonction de la fortuna
[14] et de dominer ainsi les circonstances.
Conquérir le pouvoir par la virtù, revient à l’acquérir au moyen de ses propres armes (sa propre armée). La virtù est l’œuvre du génie propre du prince, de son savoir-faire et il en dispose à son gré. Elle renvoie l’homme ou le prince à l’usage réel des différents moyens procurant le pouvoir.
Pour notre auteur, la virtù est le meilleur et le plus efficace de tous les moyens qu’il va nous proposer pour conserver et acquérir le pouvoir. Quiconque veut fonder un Etat solide, doit se fier à ses propres talents et forces que ceux d’autrui. Les moyens que propose la virtù sont multiples et tous sont bons, pourvu qu’on en fasse bon usage au moment indiqué.
Ceux qui conquièrent le pouvoir par la virtù, y accèdent difficilement, mais s’y maintiennent facilement. La plus grande difficulté qu’ils rencontrent résident dans l’établissement des nouvelles institutions. Car c’est là, une entreprise obligatoire pour quiconque veut fonder un gouvernement nouveau et la sûreté du prince nouveau. Mais cette entreprise est pleine de dangers et d’incertitudes. Parce que « celui qui s’y engage, a pour ennemis tous ceux qui profitaient des anciennes institutions et il ne trouve que des tièdes défenseurs chez ceux pour qui, les nouvelles seraient utiles ».
[15]Les premiers sont prêts à se battre pour reprendre leur condition ancienne, tandis que les seconds tâtonnent parce qu’ils redoutent leur potentialité et aussi leur sort futur. D’où pour réussir son entreprise dans une telle condition, le prince doit faire recours à la force. « Tout pouvoir politique, qu’il soit de droite ou de gauche, libéral ou socialiste, communiste ou fasciste, même s’il proclame qu’il ne gouvernera que par la loi, utilise inévitablement et normalement la force, car il ne peut y avoir d’Etat sans institutions, sans justice et sans police ».
[16]
Le peuple étant de nature inconstante et changeante, le prince devra donc lui faire croire les choses par force en cas de doute et de refus. Machiavel démontre que seuls les princes qui ont pu s’armer et contraindre par force leurs sujets, ont su mener à bon port leur entreprise. Parce que tout ce qu’ils faisaient ne dépendait que d’eux-mêmes, et non pas d’une tierce personne.
L’histoire est jalonnée par tant d’exemples qui prouvent la véracité de ce que nous venons de dire. Il avait fallu que Moïse puisse user de la force pour que les fils d’Israël puissent sortir de l’esclavage en Egypte. Cette force fut orientée extérieurement vers Pharaon et intérieurement vers le peuple lui-même. Cependant, le peuple d’Israël fit montre d’inconstance à l’égard du plan de Dieu qui voulait le sortir de l’esclavage par l’entremise de Moïse. A maintes fois, le peuple a dit à Moïse :
Manquait-il des tombeaux en Egypte, que tu nous aies menés mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous faisant sortir d’Egypte : Laisse-nous servir les Egyptiens, car mieux vaut pour nous servir les Egyptiens que mourir dans le désert. (Exode 14, 11-12)
Allons, faisons-nous un dieu d’or qui aille devant nous car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. (Exode 32, 1)
Et Yahvé frappa le peuple parce qu’il avait fabriqué le veau. Ils furent mordus en grand nombre par le serpent. (Exode 33, 11)
Moïse est un modèle des princes vertueux qui ont su par leur savoir-faire, mettre des fondements durables pour la réussite de leur entreprise. Moïse n’avait pas seulement l’armée pour combattre ses ennemis, mais aussi la loi pour assurer la concorde interne du groupe. Quiconque désobéissait à la loi, était soumis à une contrainte non seulement spirituelle, mais aussi physique
[17].
Moïse et Romulus sont des modèles d’hommes qui ont usé de la virtù comme moyen d’acquérir et de conserver le pouvoir. Remarquons que les deux ont laissé des monuments sociaux (organisations sociales: histoire romaine et celle des peuples d’Israël) qui ont marqué l’histoire de l’humanité. La virtù fait du prince, l’archer même de son entreprise, il doit tout à ses mérites personnels et à son savoir-faire. N’étant pas le seul moyen de parvenir au pouvoir, à côté de la virtù, nous trouvons ensuite la fortuna
[18].
On peut aussi conquérir le pouvoir par la fortuna. Celle s’entend comme l’acte par lequel un individu ou un groupe de gens accède au pouvoir grâce aux forces, aux armes et aux mérites d’autrui. Contrairement à la virtù qui renvoie à l’acquisition du pouvoir par ses propres armes et mérites, une œuvre par la fortuna doit ses armes et ses mérites à autrui. « Elle est en effet, l’ensemble des circonstances complexes et mobiles devant lesquels l’homme ou le prince est en péril s’il n’utilise pas le bon moyen »
[19].
Pour Machiavel la fortuna renvoie à l’acquisition du pouvoir grâce aux mérites ou l’aide d’autrui, ou grâce à une armée d’autrui. Là on n’a besoin ni de nos capacités ni du pouvoir nécessaire pour tenir le nouveau rang. On y est par un fait de la fortuna, un fait de hasard
[20]. La fortuna est un moment favorable qu’on doit saisir avec un bon moyen pour conquérir le pouvoir.
Par la fortuna, on acquiert le pouvoir par un fait du hasard, sans difficulté mais on éprouve d’énormes difficultés pour s’y maintenir. Comme qui dirait: «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.»
[21] A moins qu’on possède la virtù pour qu’on prenne soin de faire sien, ce qu’on a acquis d’autrui avec facilité. Il vaut mieux être vertueux
[22]pour qu’après une acquisition facile du pouvoir, on se fasse un vrai et bon refondateur de l’Etat nouveau, par sa virtù. Tels ont été de nombreux grands de ce monde, notamment César Borgia
[23].
Selon Machiavel, la fortuna est le deuxième mécanisme pour acquérir le pouvoir. Il y a encore un troisième dont nous pouvons à présent parler.
On peut acquérir le pouvoir en usant de la scélératesse la plus totale. Car, « l’action des hommes dans l’histoire passe nécessairement par le crime et la violence »
[24]. Mais de cet état de violence, on peut aussi arriver à la paix et à l’union. Machiavel propose ici une technique de la cruauté. Il pense que toute violence doit être brutale, s’exercer une seule fois et enfin paraître nécessaire au bien-être du plus grand nombre. Pour Machiavel, les hommes oublient par nature les pires injustices pour savourer les bienfaits présents. D’où qui use d’un coup sa cruauté et la remplace par la justice, se fera à la fois craint et aimé de son peuple. L’agir de César Borgia nous donne l’exemple d’une violence transformée en paix.
A tel point que le pays se trouvait infesté de brigands, de scélérats, de criminels de toutes sortes. Pour le pacifier et faire respecter le bras royal, César Borgia jugea nécessaire de lui donner un bon gouvernement. C’est pourquoi il y nomma messire Rémy d’Ogre, homme cruel et expéditif, auquel il accorda les pleins pouvoirs. En peu de temps, celui-ci étouffa les désordres ; à son seul nom, chacun trembla de peur. Par la suite le duc estima qu’une autorité si excessive n’était plus indispensable, craignant qu’elle ne devint odieuse ; il établit alors un tribunal civil au milieu de la province, avec un président de grand renom et chaque ville y envoya de doléances ».
[25]
Selon Machiavel, le prince doit éliminer tous ses ennemis d’un seul coup puis donner à son pouvoir une image stable et tranquille. En effet, il n’est pas bon qu’un prince assoie son pouvoir sur une répression continuelle, car celle-ci pousse à une escalade de la violence.
A peine sont ils assis, que des soldats jaillissent de leurs cachettes et massacrent tous les invités. Après ce meurtre, Oliverotto monta à cheval, courut toute la place, et assiégea dans son palais la suprême assemblée. Terrorisée, elle dut se rendre et constituer un gouvernement dont il prit la tête. Ayant aussi mis à mort tous les mécontents qui pouvaient lui nuire, il se fortifia si bien par de nouveaux règlements civils et militaires qu’au bout d’un an de pouvoir non seulement il tenait fermement sa ville, mais il s’était rendu redoutable à tous ses voisins.
[26]
Précisons que Machiavel dans son livre n’a pas beaucoup apprécié cette troisième voie et il appréciera encore moins la quatrième. C’est la virtù et la fortuna qui l’ont intéressé. Car pour lui, il y a des cruautés bien pratiquées et des cruautés mal pratiquées pour conserver un pouvoir usurpé.
Je pense que cela provient du bon ou du mauvais usage qu’ils faisaient de leurs cruautés. Je les appelle bien employées (si du mal il est permis de dire du bien) quand tu les fais soudainement, pour garantir ta sûreté, mais sans prolonger inutilement, quand tu les changes en bienfaits dès possibles. Mal employées sont au contraire celles qui, peu nombreuses au commencement se multiplient avec le temps au lieu de s’éteindre
[27]
Deux grandes figures ont su s’emparer du pouvoir par la scélératesse. Il s’agit du Sicilien Agathocle et Oliverotto. Le premier de basse classe, fils de potier, accéda au pouvoir en employant des crimes, en massacrant les sénateurs et les plus riches plébéiens de son temps, rassemblés pour traiter les affaires de la république. Le deuxième aussi y accéda en massacrant son oncle maternel et les citoyens les plus distingués de la ville, invités au festin. Ces deux personnages nous donnent l’exemple de ceux qui ont eu accès au pouvoir par le crime et la scélératesse.
Une dernière voie pour accéder au pouvoir selon Machiavel est celle relevant de la faveur de ses concitoyens.
I.2.4. LA FAVEUR DE SES CONCITOYENS
On peut acquérir le pouvoir par la faveur de ses concitoyens. Cette façon d’acquérir le pouvoir exige du prince quelque fortuna et virtù, mais il lui faut mieux « une astuce fortunée »
[28]. Il accédera alors au pouvoir soit par l’appui du peuple
[29] (les petits), soit par l’appui des riches
[30] (les grands). Car dans toute société, dit Machiavel, il y a toujours une confrontation entre les petits (peuples) qui ne veulent pas être dominés et les grands (riches) qui veulent dominer. Alors chaque groupe s’efforce à élever un des siens au rang du prince afin de se sentir sécurisé.
Machiavel demande au prince de se fier plus au peuple qu’aux grands parce qu’il est de nature que le prince est contraint de vivre toujours avec le peuple. Alors que les grands, il peut les créer de toutes pièces, les faire et les défaire selon son goût. « Le prince est contraint de vivre toujours avec son peuple ; mais rien ne l’oblige à garder les mêmes nobles, puisqu’il peut en faire et en défaire chaque jour, donner et enlever les titres selon son bon plaisir. »
[31]
Bien que se fiant au peuple, le prince fera aussi beaucoup d’attention aux grands, car ils sont de deux catégories
[32] : Celle qui, en tout fait la volonté du prince et celle qui en tout ne la fait pas. Pour la première catégorie, le prince veillera à ce qu’elle ne soit pas avide, mais qu’elle serve réellement les intérêts de l’Etat et du prince. En récompense, il la comblera des honneurs et biens. Tandis que la seconde catégorie se subdivise encore en deux groupes : le groupe de ceux qui refusent tout du prince non pour le défier, mais par manque d’intérêt et en vue de se tenir loin des choses politiques. Ceux-là ne constituent pas un danger pour le prince. Ce dernier doit s’occuper d’eux, les utiliser pour son œuvre. Tandis que le groupe dangereux est celui de ceux qui refusent tout du prince à cause de leur ambition personnelle. Le prince a l’impérieux devoir de se charger d’eux. Car une fois que la fortuna leur offre l’occasion, ils n’hésiteront pas à précipiter sa ruine.
En outre, il peut arriver qu’un prince soit élevé par les grands, qui l’ont placé pour l’assoupissement de leurs incessantes ambitions. Mais Machiavel dit que si ce prince est de forte habilité, il devra chercher par tous les moyens à devenir du peuple en s’écartant des grands qui ne peuvent que le ruiner.
Après avoir réfléchir sur la manière dont on peut conquérir le pouvoir dans un Etat, il convient à présent de réfléchir sur la manière de le conserver après la conquête.
Pour conserver le pouvoir dans un Etat, on doit tenir compte de sa forme et aussi de la nature de son peuple. C’est pourquoi dans ce point, nous traiterons de la manière dont un prince peut conserver le pouvoir dans un Etat soit dans une principauté héréditaire, mixte ou nouvelle.
I.3.1. PRINCIPAUTE HEREDITAIRE
Après l’accession au pouvoir dans une principauté héréditaire, par l’un des moyens précités, il faudrait que le Prince cherche de quelle manière, il peut conserver son pouvoir en vue de l’accomplissement des fins dont s’est assignée son entreprise. « Les Etats héréditaires, accoutumés à la famille de leur prince, sont bien faciles à conserver que les nouveaux »
[33]. Ainsi donc, dans ce cas d’une principauté héréditaire, Machiavel propose :
1° pour le conquérir : il faut éteindre la lignée du Prince qui la gouvernait précédemment
[34].
2° pour y conserver le pouvoir :
- il ne faut pas bouleverser les lois établies précédemment
[35].
- il faut temporiser devant les situations imprévues
[36].
De cette manière, il ne sera pas nécessaire au prince d’avoir une grande virtù et fortuna, mais une moyenne lui suffit pour mener à bon port son entreprise.
Les principautés mixtes comportent plusieurs éléments communs avec les principautés nouvelles. Pour y conserver le pouvoir, il faut :
1° Si c’est dans le cas d’un pays conquis, qui a une même culture que sa métropole (un pays dont les habitants parlent la même langue et partagent les mêmes coutumes) il faut exterminer intégralement l’ancienne race princière et conserver les anciennes institutions
[37].
2° Si c’est dans le cas d’un pays qui diffère par sa langue et coutume, il faut user de la fortuna et de la virtù. Pour sa conservation, il faut s’y installer, y envoyer des colonies, se poser en chef et protecteur des moins forts, affaiblir ses rivaux les plus puissants, prévenir le pillage des ministres et surtout rechercher la satisfaction populaire car cette satisfaction est le meilleur fondement du pouvoir
[38].
Machiavel utilise trois exemples pour mieux illustrer sa pensée. Il nous présente trois espèces des principautés mixtes :
- Le despotisme où un seul est libre et tous les autres esclaves ou serviteurs (par ex. monarchie duc Turc).
[39]
- La monarchie de type féodal où le pouvoir est partagé entre des rois et des barons (par ex. royaume de France).
[40]
- L’absolutisme moderne (une ex-démocratie) où les sujets ne sont plus esclaves mais serviteurs, ministres ou fonctionnaires.
[41]
Dans un régime despotique, il est difficile de prendre le pouvoir. Mais une fois acquis, on s’y maintient facilement parce que les gens sont habitués à la soumission. Dans une monarchie féodale, il est facile de prendre le pouvoir du fait qu’il s’agit d’un pouvoir morcelé entre différents barons et alliances. Mais une fois le pouvoir acquis, il devient difficile à conserver parce qu’on ne peut pas parvenir à éliminer tout sang royal ou tous les différents barons et leurs familles.
Dans une ex-démocratie, puisqu’il est difficile d’effacer de l’esprit d’un peuple qui a goûté à la liberté, Machiavel propose trois possibilités pour s’y maintenir au pouvoir.
Il faut la détruire
[42].
Il faut y résider en personne
[43].
Il faut laisser les peuples vivre selon leurs lois sous un gouvernement peu nombreux et bienveillant
[44].
Machiavel trouve que de toutes ces possibilités, c’est la première qui est la meilleure. Pour conserver une ex-démocratie, il faut la détruire et s’y installer en personne parce que le peuple voulant toujours le changement, trouvera toujours des raisons pour créer des rebellions au nom de l’ancienne liberté perdue.
Quand les provinces ou cités conquises avaient coutume de vivre, comme j’ai dit en liberté, sous leurs propres lois, il y a trois façons de s’y maintenir : la première est de les détruire ; la seconde d’y aller demeurer en personne ; la troisième, de les laisser vivre selon leurs lois, en prélevant des tributs, après y avoir établi un gouvernement peu nombreux qui te conservera leur amitié
[45].
Pour conserver le pouvoir dans une principauté entièrement nouvelles et qui n’avait avant l’entreprise de son fondateur aucune unité politique, il faut alors faire preuve de beaucoup de virtù à l’instar de Moïse, Cyrus, Romulus, Thésée et quelques autres comme César Borgia, etc.
[46]
Moïse, Cyrus, Romulus, Thésée n’avaient pu imposer longtemps leurs décrets s’ils avaient été désarmés […]. En conclusion, ces hommes de grande vertu doivent prendre garde à ne point commettre d’erreurs ; c’est en s’établissant sur leur trône qu’ils rencontrèrent les plus grandes difficultés, qu’ils surmonteront à force de talent et d’énergie
[47]
Deux préceptes cependant doivent accompagner tout celui qui veut conserver le pouvoir dans une principauté nouvelle. Il doit savoir que :
- Ce qui s’acquiert avec peine se garde facilement.
[48]
- Et les grandes entreprises ne doivent rien au hasard, mais doivent plutôt reposer sur la virtù.
[49]
Pour bien entendre ce point, il faut examiner si les réformateurs ont le pouvoir de s’imposer, ou s’ils dépendent d’autrui ; en autres termes si pour mener à bien leurs entreprises ils comptent sur leurs prières ou sur leurs forces. S’ils n’emploient que les prières, ils sont inévitablement voués à la faillite ; mais s’ils disposent de la force, bien rares sont les échecs
[50].
Car c’est par la virtù « entendue comme la force de la volonté humaine tentant à s’imposer et s’adapter au caractère imprévisible et changeant des événements extérieurs »
[51] que le prince se maintiendra longtemps au pouvoir. La virtù permet donc au prince de transformer les obstacles extérieurs en moyens d’agir, elle représente la capacité humaine de transformer la fortuna en opportunité.
Ainsi donc, la virtù n’étant rien sans la force (la puissance militaire), qui veut conserver son pouvoir dans une principauté nouvelle doit donc faire usage de la force parce que toute grande entreprise se fait toujours sur fond de violence et d’insécurité
[52]. Faisant usage de la violence, le prince nouveau doit pouvoir se fier aussi à son entourage en se faisant aimer et respecter. Mais comment faire la violence et se faire aimer en même temps ?
Machiavel nous présente un paradigme de prince : César Borgia qui a su se doter d’une armée nationale et qui, pour assurer son pouvoir en Romagne, s’en remet à un gouverneur particulièrement cruel qui rétablit la paix par une répression sanglante. Puis, pour n’être accusé en rien, il remplaça ce serviteur loyal par un juge réputé tout en le faisant décapiter publiquement à la grande satisfaction du peuple. Voilà un exemple de transformation de la violence à la l’amour et la crainte du prince.
En un mot, ce premier chapitre nous a proposé un mécanisme de conquête et de conservation du pouvoir dans un Etat. Nous sommes partis de la question : comment peut-on conquérir le pouvoir dans un Etat ? Cette question trouve sa réponse dans les quatre moyens que nous propose Machiavel : la virtù, la fortuna, la scélératesse et la faveur des concitoyens. Une autre question est : comment peut-on conserver le pouvoir dans un Etat nouveau ? Un nouvel Etat doit être conservé suivant les structures d’Etat qui l’a précédé (héréditaire, mixte, ou entièrement nouvelle).
Dans ce chapitre nous trouvons certains remèdes aux différents fléaux qui nous accablent. Comme dit à l’introduction, certains pensent au pouvoir sans savoir comment y accéder et Machiavel nous a répondu ici de manière réaliste. D’autres par contre accèdent au pouvoir sans savoir le conserver. Machiavel a usé de son expertise historique et praticienne pour nous en livrer le secret du pouvoir politique. A chacun de nous de voir dans quelle mesure il peut contextualiser cette pensée pour le bien être de notre Etat ou nation et pour le bien de chaque citoyen.
Après la conquête du pouvoir et la mise en œuvre du mécanisme de sa conservation, Machiavel souligne que cette conservation se renforce par l’armée qui doit être propre et constituée des propres sujets, concitoyens ou les gens qui sont les propres créatures du prince. La loi est toujours d’une grande importance lorsque l’armée achève son travail de pacification. Tel est donc la question qui nous préoccupera dans le deuxième chapitre de ce travail.
CHAPITRE DEUXIEME : DES ARMES ET DES LOIS DANS UN ETAT
Tout pouvoir a besoin de fondements solides ; car aucun Etat respectable ne peut exister sans institutions, sans justice, sans police. C’est ainsi que dans ce deuxième chapitre, nous voudrions souligner l’importance des bonnes armes et des bonnes lois dans l’avènement et la consolidation d’un nouvel Etat. En effet, en politique, on distingue deux principaux fondements pour tout Etat : les bonnes lois et les bonnes armes. Elles sont d’une grande importance parce qu’elles permettent au fondé du pouvoir (au prince) de bien conduire son Etat tant au niveau interne qu’externe.
J’ai montré en détail les caractères divers de ces principautés que je me proposais de décrire, certaines causes de leur force et de leur faiblesse, et les moyens souvent employés pour les conquérir et les garder. Il me reste à présent à exposer d’une manière générale les dangers qui les menacent et les remèdes possibles. Nous avons dit plus haut qu’un prince doit établir à son règne des fondements solides ; sinon, rien ne l’empêchera de s’effondrer. Et les fondements principaux des Etats, aujourd’hui comme hier, sont de deux sortes : les bonnes lois et les bonnes armes.
[53]
Dans la perspective machiavélienne, il existe d’abord plusieurs sortes d’armes (mercenaires, auxiliaires, mixtes et propres) ; et parmi elles, les armes propres sont les plus avantageuses. Ensuite, les lois doivent remplacer la violence lorsqu’elle a été utilisée pour maintenir l’ordre et la sécurité de l’Etat. Enfin, les armes et les lois sont complémentaires. On ne peut avoir des bonnes lois sans bonnes armes et vice-versa.
« Comme il ne peut y avoir des bonnes lois si les armes ne valent rien, je laisserai de côté la première exigence pour ne parler que de la seconde. »
[54] Par les armes nous entendons l’ensemble d’instruments ou moyens par lesquelles un prince peut défendre son pays ; mieux à ce que le monde moderne désigne par armée. Celle-ci peut s’entendre comme ensemble des forces militaires d’un Etat ou une grande unité réunissant plusieurs troupes.
Illuminé par l’histoire, Machiavel présente les inconvénients d’autres formes d’armes ainsi que les avantages des armes propres dans un Etat. Il spécifie que si l’Italie est envahie par les barbares, c’est à cause de son usage des armes non propres (ou étrangères) à l’Etat. Un Etat doit disposer des bonnes armes pour sa défense. Car la loi de puissance étant la règle dans le concert des nations, si un Etat ne songe pas aux bonnes armes, quelque soit les intérêts qu’il présente, il court à sa propre perte. Les bonnes armes sont fondamentales dans l’avènement de tout Etat.
Machiavel distingue quatre espèces d’armes : les troupes mercenaires, auxiliaires, mixtes et propres. Toutes ces troupes peuvent servir à la défense d’un Etat, mais seules les armes propres sont avantageuses et recommandées.
Les armes par lesquelles un prince est en mesure de défendre son pays sont de quatre espèce : les siennes propres, les mercenaires, les auxiliaires et les forces mixtes. Les mercenaires et les auxiliaires sont des nullités et dangereuses. »
[55] « Je conclus donc qu’aucun Etat n’est sûr s’il ne dispose d’une armée qui lui soit propre.
[56]
Le Dictionnaire Universel définit une troupe mercenaire comme « toute celle qui est constituée des soldats étrangers à la solde d’un Etat, qui accomplissent contre l’argent, une mission que d’autres feraient par conviction »
[57]. En effet, pour résoudre certains problèmes de guerre dans un Etat, certains princes utilisent les troupes mercenaires. Leur usage ne date pas d’aujourd’hui, elles ont eu à intervenir dans plusieurs conflits armés. Mais avec Machiavel, nous déconseillons leur usage dans un Etat qui se veut solide, efficace et fort. Car depuis la nuit de temps, elles ont été cause de beaucoup de dommages. En tout temps, elles se sont montrées inutiles et dangereuses. Pendant la paix elles sont amies et coûtent chères ; pendant la guerre, elles réclament leur rémunération avant de combattre, au cas contraire elles pillent et tournent leurs armes en se mettant au service de l’ennemi qui les a bien payés. En outre, elles sont caractérisées par la désunion, l’ambition, l’indiscipline, l’infidélité etc.
Disons qu’il n’est pas bon de fonder son pouvoir sur les troupes mercenaires. Elles apportent des malheurs de deux sortes : soit elles sont constituées des capitaines excellents, soit des capitaines nuls. Dans ces deux cas, elles seront toujours dangereuses. Ainsi, si les capitaines sont excellents, ce qui les intéresse n’est ni le prince, ni son Etat, mais plutôt leur gloire, grandeur et honneur. De ce fait, ils seront toujours prêts à sombrer le prince et son Etat lorsque la fortuna leur offre l’occasion. De même, s’ils sont nuls, le danger est toujours permanent. Car lorsque arrive un ennemi fort, soit ils désertent en vue de préserver leur vie, soit ils se rendent simplement à l’ennemi et tournent leurs armes pour un nouvel accord avec celui-ci.
« L’histoire nous apprend que seuls les princes combattants et les républiques bien armées ont accompli de grandes choses, alors que les armées mercenaires n’ont produit que des dommages ».
[58] Une armée étrangère donne difficilement la victoire et même si elle gagnait la guerre, elle engendre par après des dommages qui rendent inutiles les efforts consentis.
Machiavel fait l’histoire en montrant pourquoi et comment l’Italie a été envahie par les barbares. Il place l’usage des troupes mercenaires et bien d’autres troupes non propres à l’Etat à la source de cette invasion. Il accuse l’Eglise catholique d’être à la base de cet usage de troupes mercenaires. Car celle-ci aurait à un moment donné favorisé des rebellions en Italie afin d’accroître son influence et nomma des princes dans tous les sens, des prêtres et citoyens qui n’avaient la maîtrise d’aucun art militaire. Ceux-ci étaient obligés de faire recours aux étrangers pour se protéger. Ils ont fait usage de toutes sortes d’armes avec l’idée de se protéger. Mais fort malheureusement, ils se sont exposés au danger qui a écroulé toute la république. Les mercenaires sont des gens qui ne travaillent, n’agissent et ne combattent que moyennant une rémunération. Pour les troupes mercenaries no money, no service or no job.
[59]
Précisons que le souci de Machiavel dans ce point sur des troupes mercenaires porte sur l’efficacité. Il ne nie pas l’usage des ces troupes, mais il souligne leur non nécessité. Il faudra en nos jours, intérioriser ces conseils pour une plus grande efficacité de nos armées. En effet trop souvent nous ne préparons pas ce qui est à notre pouvoir, pour attendre l’aide des autres avec toutes les conséquences qu’elle comporte.
Par troupes auxiliaires, nous entendons les troupes d’une puissance étrangère qui viennent combattre pour un autre Etat. Elles peuvent être autrement appelées, troupes alliées ou troupes amies. Les princes ne font pas seulement recours aux troupes mercenaires, ils font parfois appel aux troupes des alliés étrangers. Tel fut le cas des troupes angolaises, zimbabwéennes et namibiennes en R.D.Congo en 1998.
Ainsi a fait récemment le pape Jules II : ayant constaté, dans l’entreprise contre Ferrare, les piteux résultats obtenus par les mercenaires, il s’est tourné vers les armes auxiliaires, en appelant à son secours l’armée de Ferdinand, roi d’Espagne. Cette force peut être utile et bonne en elle-même : cependant, elle est presque toujours dommageable à ceux qui y font appel : si elle perd, tu subis leur défaite ; si elle gagne, tu deviens son prisonnier.
[60]
Les troupes auxiliaires sont aussi inutiles et dangereuses que les troupes mercenaires. Elles ont aussi un double malheur : en cas de défaite, elles pèsent lourdement sur l’Etat hôte qui doit couvrir toutes les dépenses et dédommager les pertes humaines. De même en cas de victoire, elles le prennent en otage et le rendent prisonnier de leurs incessants besoins et ambitions.
En outre, si le danger des mercenaires est le défaut de courage, chez les auxiliaires c’est l’excès
[61]. Or avec Aristote, nous apprenons que le défaut est un vice et l’excès est aussi un vice ; ainsi la vertu se trouve dans le juste milieu
[62]. Avec les troupes mercenaires et auxiliaires, les mêmes acteurs qui donnent la victoire, seront aussi les mêmes qui causeront la perte. En effet, les troupes mercenaires présentent moins de danger que les auxiliaires en cas de victoire. Parce que difficilement elles pourront réussir de se réduire au commandement d’un seul d’entre eux pour marcher contre l’Etat hôte. Tandis que les auxiliaires ont la facilité après la victoire de réduire le prince et son Etat en servitude.
Les princes de l’Italie ne faisaient pas seulement recours aux mercenaires, mais aussi aux auxiliaires ou autres puissances étrangères comme la France et l’Espagne. L’usage de ces troupes a causé à l’Italie beaucoup de dommages. Leur défaite avait pesé sur l’Italie et elle était devenue leur prisonnière après la victoire. Les troupes mixtes constituent une autre catégorie dont nous voulons à présent parler.
Les troupes mixtes renvoient à un mélange des citoyens propres d’un Etat avec les étrangers au sein d’une même armée. Cette pratique comme les deux premières reste un danger permanent pour un Etat. Car, il arrive que les citoyens, habitués à combattre toujours au côté des étrangers, se sentent incapables de le faire sans ceux-ci. Ainsi dès qu’il y a la guerre, s’ils ne sont pas appuyés, ils désertent tous, et laissent le passage à l’ennemi.
Machiavel blâme l’attitude de Louis XI, roi de France qui après son père Charles VII
[63], introduisit des suisses dans l’armée française, au point que ceux-ci jouissant d’une bonne réputation par rapport aux français, causèrent des grands dangers au royaume.
Erreur reprise par les successeurs, et qui est, comme le prouvent les événements actuels, la cause des grands dangers qui menacent ce royaume. Car, ayant établi la réputation des suisses, Louis XI a discrédité ses propres troupes ; supprimant toute son infanterie, il a lié ses hommes au destin des troupes étrangères : habitués à combattre en compagnie des suisses, ils ne croient pas pouvoir gagner sans eux. Il s’ensuit que des Français n’obtiennent jamais la victoire contre les suisses et que sans les suisses ils n’osent affronter les autres.
[64]
La mission des nations unies au Congo (Monuc) qui combat aujourd’hui aux côtés des Forces armées de la république démocratique du Congo, nous donne un exemple de la faiblesse des troupes mixtes. Sans la Monuc, les Fardc se déclarent incapables de combattre. Et c’est à maintes reprises que leur mise en déroute a eu lieu à l’est du pays. Ainsi donc, il n’est pas bon qu’un Etat fonde son pouvoir sur des troupes mixtes. Bien qu’elles soient d’un moindre mal que les troupes mercenaires et auxiliaires.
Le magnifique empire romain doit sa chute à l’introduction des étrangers Visigoths (considérés comme vaillants) au sein de l’armée. En effet, dans le souci de maximiser sa puissance, l’empire romain invita les Visigoths dans son armée et cet acte enleva la vertu aux soldats romains qui, peu à peu se sous-estimaient en face des visigoths. Cela fit perdre à l’empire ses nerfs et il chuta au grand étonnement du monde. Machiavel le dit et le répète : « Je conclus donc qu’aucun Etat n’est sûr s’il ne dispose d’une armée qui lui soit propre ».
[65]
Par armes propres, nous entendons les troupes constituées des citoyens d’un Etat. Elles sont les seuls moyens efficaces et recommandés pour la défense. Les soldats de ces troupes ne viennent ni d’un pays ami, ni de tout bord ; ils sont plutôt recrutés au sein de la population même. Ces troupes ont la particularité d’être vertueuses et patriotiques. Elles ne souffrent ni de défaut ni de l’excès de courage et elles vivent le juste milieu
[66]. Elles ne combattent non pas pour l’argent, mais plus spécialement pour leur destin et celui de leurs enfants. « C’est pourquoi un prince sage évite toujours des troupes étrangères et fait recours aux siennes propres ; il aime mieux perdre avec les siens que gagner avec les étrangers estimant que celle qu’on obtient avec les armes d’autrui n’est pas une vraie victoire.»
[67]
De même qu’un prince, pour conserver son pouvoir, doit compter sur sa virtù (entendue comme ensemble de ses talents propres, son intelligence, son courage, etc.) ; de même pour consolider ce pouvoir et donner de fondements solides à son Etat, il doit compter sur ses armes propres que sur celles d’autrui. Les troupes propres combattent pour le bien de la nation, l’avenir de leurs enfants et pour le fait qu’elles partagent un même destin. De ce fait, elles sont prêtes à offrir leur vie et restent fidèles en temps de paix comme en temps de guerre.
Toute nation qui se veut forte et solide doit dépendre d’elle-même et de ses propres armes ; mieux elle doit compter sur elle-même en toute matière avant d’espérer sur l’aide d’autrui. L’histoire est remplie des prouesses de ceux qui ont compté sur leur propre force et effort que les échecs de ceux qui ont espéré à la bonne volonté ou l’aide des autres.
Les troupes propres restent dociles au prince pendant et après la guerre. Elles sont donatrices de la vraie victoire et ont droit de faire la préoccupation du prince qui doit les soigner, les équiper en armement, les nourrir, les entraîner en temps de paix plus qu’en temps de guerre.
Ici il y a lieu de souligner l’importance que Machiavel accorde à la connaissance dont le dirigeant politique doit faire preuve sur l’art de la guerre. Car c’est une qualité nécessaire à quiconque commande une armée. « Le prince doit prendre lui-même la tête des expéditions et jouer le rôle de capitaine.»
[68]Mais si l’armée est dirigée par une république, celle-ci doit envoyer l’un ou tel autre de ses citoyens ; et si le premier se comporte sans vaillance, le prince doit changer ; s’il est vaillant, il doit le tenir en bride, afin qu’il n’outrepasse point ses attributions.
« Une armée qui te soit propre est composée de tes sujets, de tes citoyens ou de gens qui soient tes propres créatures : tous les autres sont mercenaires ou auxiliaires »
[69] L’armée propre est ce qui convient à tout Etat sérieux ; elle est salutaire et prometteuse d’efficacité. Cette leçon sur l’armée ne date pas seulement de la Renaissance, elle a été soulignée depuis l’Antiquité par Aristote et aujourd’hui, à lire les événements qui nous entourent, malgré les leçons de Machiavel et tant d’autres, les chefs d’Etat n’en tirent pas toujours leçon.
Seule une armée propre donne la victoire. Car même en cas d’échec, ses ennuis sont minimes que la victoire d’une troupe mercenaire, auxiliaire ou mixte. Qui veut fonder un Etat fort et solide qui parvienne à l’accomplissement du bien commun de tous les citoyens, doit consolider ou fonder son pouvoir sur une armée propre et jamais étrangère.
En ce qui touche l’organisation de l’armée, nous tenons à ce que Machiavel a écrit dans son livre L’art de la guerre. Dans ce livre, nous trouvons un grand dialogue sur les différentes pratiques militaires, mieux sur la manière dont doivent s’organiser les troupes, comment elles doivent s’y prendre pendant la guerre ou pendant la paix.
Les armes propres ne doivent compter à leur intérieur que les sujets, les concitoyens ou les gens qui sont des propres créatures du prince ou de la république. Le recrutement des soldats doit être stratégique. En effet, il faut éviter de faire de l’armée, l’affaire d’un territoire particulier. Cela présente beaucoup de risque. Le prince, qui vise l’unité de son Etat, doit recruter les soldats par province ou territoire afin d’avoir une armée intégrée et constituée des gens venus de toutes les provinces du pays.
En plus, il faut recruter les hommes à fleur d’âge, mieux de 18 à 35 ans. Parce qu’il n’est pas agréable de voir ses troupes se renouveler en 15 ans. Ces jeunes doivent choisir volontiers ce métier. Ils s’y consacreront durant toute leur vie et y trouveront la passion. Pour que les jeunes aiment ce métier, le prince doit le promouvoir en établissant une politique de sa valorisation. Notamment améliorer le salaire, la tenue, la restauration, bref la vie sociale du militaire.
Ils ne voulaient que des hommes à la fleur de l’âge, depuis dix-huit ans jusqu’à trente-cinq ; à cette époque de la vie où les jambes, les bras et les yeux jouissent d’une égale vigueur ; et ils n’attendaient pas que le soldat perdit de ses forces et accrût d’insubordination comme cela se pratiqua dans les temps corrompus de la république.
[70]
Il faudrait aussi bien mener la politique de retraite des soldats. Ne pas attendre leur épuisement total. Prendre soin d’eux pendant la retraite, améliorer leur condition de vie, celle des blessés et des victimes de guerre, tel est l’agir qui valorisera le métier militaire.
Une autre possibilité de recrutement est le service militaire obligatoire pour chaque citoyen à l’âge de 18 ans. Après une année de service militaire, le citoyen sera donc libre de rester ou sortir de l’armée. Mais en cas de guerre, tout citoyen peut être obligé à prendre les armes pour défendre la nation.
Un Etat bien constitué doit ordonner aux citoyens l’art de la guerre comme un exercice, un objet d’étude pendant la paix ; et pendant la guerre, comme un objet de nécessité et une occasion d’acquérir de la gloire, mais c’est au gouvernement seul, ainsi que le pratiqua Rome, à l’exercer comme métier.
[71]
Les conseils de Machiavel sur l’armée valent leur pesant d’or jusqu’à nos jours. Car à voir la manière de se comporter de nos dirigeants politiques, on se demande s’ils ont suffisamment été préparés à ce métier. Car, l’armée est un grand problème africain. Son problème va du recrutement jusqu’à sa tactique pendant la guerre.
Quand on a trouvé les soldats, il est alors nécessaire de les armer. Par armement, nous entendons l’action de pourvoir ses soldats des instruments qui servent à attaquer ou à se défendre. Selon Machiavel, les romains sont des modèles à ce sujet : « nous devons examiner les armes qu’employaient les anciens, et de celles-ci prendre les meilleures. Les romains partageaient leur infanterie en soldats pesamment armés et en soldats armés à la légère qui s’appelaient vélites. »
[72]
Les vélites se décomposaient en frondeurs, les archers et ceux qui lançaient le javelot. Ils combattaient hors les rangs et à distance des soldats pesamment armés. Limitons-nous à cet aspect pour préciser que les soldats doivent posséder d’un côté un armement léger et de l’autre un armement lourd. La première aidera pour les attaques discrètes et la seconde pour les grandes batailles. Ces deux aspects vont ensemble pour un armement réussi.
Hier, les romains répartissaient leurs armes en troupes maritimes et terrestres. Aujourd’hui avec la poussée de la technologie, nous avons aussi des troupes aériennes. Toutes ces troupes doivent être munies d’un côté des armes légères et de l’autres côté des armes lourdes. Le prince ou la république doit s’informer des nouvelles inventions et s’en procurer pour son armée. Au mieux, créer des centres de recherche de fabrication d’armes pour son armée.
C) LA FORMATION D’UNE ARMEE EN BATAILLE
Par formation d’une armée en bataille, nous entendons l’ensemble de méthode qu’on peut utiliser pour vaincre un ennemi pendant la bataille. En effet, la plus grande faute à commettre est de ne former qu’un seul corps pour une armée en bataille et de n’attendre le succès que d’une unique attaque. Lors qu’une armée est en bataille, elle doit être repartie en plusieurs lignes et groupes d’attaques. Tous ces groupes n’y vont pas au même moment. Ils y vont stratégiquement et à des moments indiqués.
En outre, c’est par l’imitation des anciens qu’on acquiert la sagesse. Il est séant aujourd’hui de se référer aux tactiques de guerre des grandes armées qui ont fait leur temps. Notamment l’armée romaine, grecque, etc. Les romains par exemple, avaient l’habitude pendant la guerre de recevoir une troupe ou une ligne pendant qu’une première ou autre est en bataille
[73]. Ils n’attendaient jamais l’anéantissement total de l’une des troupes pour envoyer l’autre. Cette tactique leur permettait de toujours prendre le dessus sur les ennemis et ils y tenaient scrupuleusement. En plus, ils avaient aussi des soldats armés et non armés qui ne se battaient pas sur les rangs. Ceux-là étaient devant, derrière et tout au tour des troupes légèrement et lourdement armées. Ils servaient aussi de service de renseignement, d’espion, de donneurs de fausses rumeurs aux ennemis.
La réussite d’une armée passe par l’organisation et la discipline. Le prince devra y veiller scrupuleusement pour un armement réussi de son peuple. En effet, un mauvais armement du peuple, peut tourner contre le prince et son Etat. Car il aura créé contre lui-même des potentats armés à l’intérieur même de l’Etat, et qui n’hésiteront aucunement de le réduire au silence une fois que la fortuna leur offrirait l’occasion.
Par logement des soldats, nous entendons la manière dont les troupes propres doivent être campées. En effet, tout homme aspire au repos. Pendant la guerre comme pendant la paix, les troupes ont droit au repos en vue d’être fortes et bien disposées à combattre. Pour camper leurs troupes « les grecs cherchaient des positions naturellement très fortes ; ils n’avaient pas choisi un camps qui ne fut appuyé d’un rocher, d’un fleuve, d’une forêt ou de quelque autre semblable rempart. »
[74]
Les romains au contraire se confiaient plus à l’art qu’à la nature dans leur choix de camps : jamais ils n’eussent pris une position où ils n’auraient pu déployer toutes les manœuvres. Par là leur camps conservait toujours la même forme, car ils ne voulaient pas s’assujettir au terrain mais que le terrain fût assujetti à leur méthode
[75].
Nous sommes ici en face de deux attitudes différentes qui, à notre avis, méritent leur poids. Il serait donc mieux pour un prince d’adopter les deux méthodes et en tenir compte dans leur choix de terrain pour le logement des troupes. Mais comme les armes sûres sont celles dont on dispose à son gré, il est plus prudent pour un prince de beaucoup imiter l’attitude des romains. Car la nature n’est pas à notre pouvoir. Mais l’art militaire est à notre pouvoir. Tout en faisant attention à la nature, le prince doit plus camper ses troupes en fonction de ses stratégies et ses techniques de guerre. Dans les camps, les militaires doivent jouir d’une vie adéquate où ils peuvent bien dormir, bien manger, bien jouer, bien s’entraîner, bien étudier etc. Le prince veillera aussi au soin de leurs familles et à leur bonne rémunération. Car si la haine du peuple est le premier danger qu’un prince doit éviter, la haine des troupes est aussi un danger violent qu’un prince prudent doit fuir. Et puisque les bonnes armes ne peuvent rien sans bonnes lois, nous pouvons à présent changer de discours pour parler des bonnes lois.
L’avènement d’un Etat nouveau passe nécessairement par l’établissement des nouvelles institutions. Pour assurer l’harmonie des nouvelles institutions, les bonnes lois sont indispensables. Par lois, nous entendons l’ensemble des règles édictées par une autorité souveraine et imposée à tous les individus d’une société. C’est donc une sorte de convention régissant la vie sociale. Pour mieux dire, les lois sont un ensemble des règles que tout être conscient et raisonnable se sent tenu d’observer pour le bien de la société.
Dans Le prince, Machiavel souligne l’importance des bonnes lois dans un Etat et leur inaliénabilité. Mais il n’en développe pas une grande pensée structurée et exprime ce choix en ces termes : « Comme il ne peut y avoir des bonnes lois si les armes ne valent rien, je laisserai de côté la première exigence pour ne parler que de la seconde. »
[76] . Raison pour laquelle, pour comprendre sa conception de la loi, nous nous remettons aux bonnes mains de Julien Freund qui nous semble exposer quasi fidèlement la pensée machiavélienne.
Julien Freund lie la loi à l’ordre. De même pour Machiavel, il n’est pas bon qu’un prince fonde son pouvoir sur une répression continuelle ; car elle finira par devenir odieuse ; de même pour Freund, le peuple supporte mal les révolutions qui durent. Le règne de l’irrégularité et de l’incohérence, de l’absence d’une légalité stable, garantie par un commandement capable de faire respecter ses décisions ; bref l’insécurité pousse le peuple à la haine contre son prince. D’où la nécessité des bonnes lois en vue de rétablir l’ordre après un temps d’incohérences. Tout peuple aspire à l’ordre et ne supporte l’instabilité que pour un temps et pour un plus grand bien ; d’où « l’expression : la force doit rester à la loi, ne signifie rien autre que : l’ordre doit être absolument maintenu.»
[77]
Précisons que pour Julien Freund, la loi renvoie à l’établissement de l’ordre, au retour de l’ordre et au besoin de la stabilité. Ce qui importe ici, c’est que l’attitude politique du peuple lie en ces circonstances l’ordre à l’obéissance indispensable aux décisions du commandement, parce qu’il a le sentiment de la nécessité des lois, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, pourvu qu’elles soient respectées et qu’ainsi soit mis un terme à l’incohérence génératrice d’instabilité.
Pour Freund, la loi ne vaut rien sans obéissance, elle ne vaut non plus rien sans un commandement. D’où, la loi est instrument de médiation entre le commandement et l’obéissance. Et elle n’a de consistance que par la présence simultanée de ces deux termes. Si on supprime l’obéissance, la loi n’est rien. De même si on supprime le commandement, la loi n’est rien.
Retenons que la conception machiavélienne des lois s’éclaircit mieux dans la conception freundienne de la loi. Les bonnes lois pour Machiavel sont celles qui oeuvrent au rétablissement de l’ordre. La perspective freundienne de la loi qui est aussi machiavélienne, voit la loi dans son aspect contraignant, contrairement au commun des mortels qui voit plus en la loi, la discrimination entre le permis et l’interdit en vue du bien de la collectivité.
On sait que du point de vue juridique on caractérise généralement la loi par deux traits : d’une part elle est une règle contenant un précepte qui fait la discrimination entre ce qui est permis et ce qui est interdit au regard des nécessités de la collectivité et d’autre part elle est une norme contraignante qui autorise la répression de toute violation de l’obligation.
[78]
Pour Freund, l’aspect de discrimination entre le permis et l’interdit est idéaliste, purement lié à l’esprit et ne correspond en rien avec la réalité politique ni à la nature des rapports entre droit et politique. En effet, ce qui compte en politique, c’est l’ordre qui doit être rétabli.
Cela étant, la loi selon Freund et Machiavel est « un acte de volonté comme le commandement et l’obéissance sont liés à la volonté du commandant et du commandé.»
[79] Par conséquent, elle est arbitraire dans son principe et une autre volonté ou la même peut la modifier ou l’abroger après avoir changé d’avis. La loi est aussi une convention, non point au sens d’un contrat ou d’un accord mutuel entre diverses parties, mais à celui du consentement par l’obéissance. « Ce consentement doit être obtenu par l’adhésion spontanée, le charisme, la peur et la terreur.»
[80]La loi est aussi ordre au double sens du mot : elle est d’une part impérative et d’autre part elle vise l’organisation de la société ; mieux elle renvoie à l’ordre comme obligation et l’ordre comme organisation. Telle est la loi selon Freund et Machiavel.
Une telle conception de la loi à notre avis n’est pas mauvaise, mais elle reste partielle, parce qu’elle ne prend la loi que dans sa seule dimension contraignante. Cela fait qu’elle jette les jalons de la séparation de la politique d’avec la morale et la religion. On est en présence d’une politique qui ne tient compte que de l’ordre, de l’efficacité, de la conservation du pouvoir, de la refondation de l’Etat et néglige la dignité humaine, sa situation sociale en tant qu’individu. Toutefois, nous concédons que les bonnes lois sont aussi celles qui réussissent à contraindre les citoyens à l’obéissance de commandement en vue d’un établissement de l’ordre, la stabilité et la concorde surtout intérieure de l’Etat.
Outre les aspects de l’approche freundienne de la loi, qui d’ailleurs se marient à ceux machiavéliens ; il y a lieu maintenant de souligner un autre aspect qui fut le souci permanent de Machiavel. En effet, bien que Machiavel soutient l’aspect contraignant de la loi, il demande au prince d’inscrire la loi en vue de satisfaire le peuple et d’attirer vers lui leur affection. Car d’aucuns oublieront que dans la pensée machiavélienne le peuple occupe une place importante dans l’avènement de l’Etat nouveau. En plus, la loi vient aussi pour effacer les traces de toutes les pressions et violences nécessaires perpétrées contre le peuple en vue d’établir l’ordre et la stabilité. La loi vient rétablir le climat de paix, de stabilité et de cessation de violences. L’agir de César Borgia nous sert de paradigme machiavélien sur l’importance de la loi.
A tel point que le pays se trouvait infesté de brigands, de scélérats, de criminels de toutes sortes. Pour le pacifier et faire respecter le bras royal, césar jugea nécessaire de lui donner un bon gouvernement. C’est pourquoi il y nomma messire Rémy d’ogre, homme cruel et expéditif, auquel il accorda les pleins pouvoirs. En peu de temps, celui-ci étouffa les désordres ; à son nom, chacun trembla de peur. Par la suite, le duc estima qu’une autorité si excessive n’était plus indispensable, craignant qu’elle ne devînt odieuse ; il établit alors un tribunal civil au milieu de la province, avec un président de grand renom, et chaque ville y envoya ses doléances. Sachant bien que les rigueurs de son lieutenant lui avaient valu les inimitiés, afin d’en purger le cœur de ces populations et les gagner à soi, il voulut prouver que les cruautés en question n’étaient pas venues de lui, mais du caractère brutal de son ministre. Ayant ensuite bien choisi son lieu et son moment, il le fit un matin, à césana, écarteler et exposer sur la place publique, avec à ses côtés un morceau de bois et un couteau sanglant. Un spectacle aussi féroce qui remplit les populations en même temps de stupeur et de satisfaction.
[81]
Comme Cicéron, nous disons : « Cedant arma togae »
[82] (que les armes cèdent la place à la toge). Car un Etat ne peut pas continuellement s’appuyer sur les armes. Lorsque l’usage des armes semble rétablir l’ordre attendu, il faut qu’intervienne alors la loi ou le droit pour rétablir un ordre moins violent, rationnel et réussi. C’est pour l’ordre, l’affection du peuple, effacement des traces de violences que Machiavel a beaucoup insisté sur la nécessité des bonnes lois.
CONCLUSION
Nous arrivons donc au terme de ce deuxième chapitre qui nous a permis de parler des bonnes armes et des bonnes lois. En effet, pour Machiavel, les bonnes armes sont celles qui sont propres au prince et les bonnes lois sont celles qui permettent le rétablissement de l’ordre, de l’affection du peuple, de la stabilité et de la sécurité.
Les armes propres sont celles qui se composent des sujets propres du prince ou de l’Etat. Le prince doit veiller à un armement réussi de son peuple en vue de se mettre à l’abri de l’ennemi. Outre les armes propres, nous avons aussi des troupes mercenaires, auxiliaires et mixtes dont l’usage est inutile pour un Etat qui se veut solide et efficace. Dans son livre L’art de la guerre, Machiavel donne des éléments de l’organisation d’une armée propre ; notamment sur le recrutement, l’armement, la formation en bataille et le logement des soldats.
Les bonnes lois (entendues comme ce qui concourt au rétablissement de l’ordre) ont été bien éclairées par l’approche de Julien Freund dans son livre L’essence du politique. D’une même vision que Machiavel, Julien Freund conçoit la loi parallèlement à l’ordre dans son double sens : obligation et organisation. C’est en vue de retrouver l’affection du peuple, de créer un climat de paix et de stabilité que Machiavel recommande au prince d’avoir des bonnes lois.
CHAPITRE TROISIEME : LE PROFIL D’UN PRINCE
Dans la dédicace de son livre, Le Prince, Machiavel écrit: « pour bien connaître la nature des peuples, il faut être prince ; et celle des princes, il faut être du peuple »
[83]. Précisons que dans Le prince, Machiavel survole la nature des peuples et s’arrête profondément à l’analyse des caractères et capacités que doit posséder ou feindre de posséder un prince pour un bon exercice de son métier.
Dans ce chapitre, notre attention porte sur l’ensemble de ces caractères. Car, connaissant la nature de l’homme
[84] selon Machiavel, pour arriver au but qui lui est assigné (la refondation et la conservation du pouvoir de l’Etat), le prince doit incarner et observer un certain nombre de principes que nous allons analyser. Que doit être un prince en vue d’un exercice efficace de son métier ?
« Un prince ne doit donc avoir d’autre objet, d’autre pensée, d’autre art que celui de la guerre et des préparatifs la concernant ».
[85] La nature de l’homme est faite de telle sorte que une seule occasion lui suffit pour faire montre de son ambition. Voilà pourquoi, quiconque commande les hommes, doit avoir l’art de la guerre comme seul métier. En temps de paix comme de guerre, il doit toujours être prêt à affronter l’ennemi. Car, la distraction et les plaisirs ont été à l’origine de la chute de plusieurs princes.
Remarquons que seuls les princes qui ont su s’armer, ont pu réaliser des grandes choses, alors que les non armés ont été voués à l’échec. Cela se justifie par le fait qu’il n’est pas possible qu’un plus fort obéisse de son gré à un faible. On ne peut donc pas imaginer qu’un chef non armé vive en sécurité au milieu d’un peuple armé.
Un prince qui connaît l’art de la guerre sera aimé par son armée, il bénéficiera de son estime et jamais du mépris. En cas de guerre, il est toujours conseillé au prince d’être sur le champ de bataille, de se placer en tête de la troupe, de la diriger et de l’assister au combat en vue de motiver son armée. Un tel engagement, nécessite du prince un réel savoir de cet art. Au cas contraire, c’est le mépris qu’il récoltera et le même mépris le conduira à l’échec.
Pendant la paix, le prince doit toujours veiller à l’entraînement ou à la formation de l’armée ; à l’équiper en logistiques et à l’instruire sur des nouvelles tactiques de la guerre. « Il ne doit donc jamais détourner sa pensée des exercices guerriers et les pratiquera en temps de paix plus que en temps de guerre. »
[86] Le prince doit veiller aussi à la discipline dans l’armée. Pour qu’il soit obéi, il devra à tout moment par sa virtù, élever les hommes de simples conditions et abaisser les puissants. Il fera que le premier lui reste toujours redevable et le second (ayant été fatalement anéanti) ne puisse jamais se lever contre lui.
Un prince qui se conduit de la sorte règnera jusqu’à la réalisation totale de son entreprise. Ainsi, jamais il ne se fera surprendre par l’ennemi ; et même si cela lui arrivait, il sera toujours prêt à se défendre sans avoir recours à autrui.
Beaucoup en effet se sont imaginé des républiques et des principautés que jamais personne n’a vues, ni connues réellement. Mais la distance est si grande entre la façon dont on vit et la façon dont on devait vivre, que quiconque ferme les yeux sur ce qui est et ne veut voir que ce qui devait être apprend plutôt à se perdre qu’à se conserver ; car si tu veux en tout et toujours faire profession d’homme de bien parmi tant d’autres qui sont le contraire, ta perte est certaine. Si donc un prince veut conserver son trône, il doit apprendre à savoir être méchant et recourir à cet art ou non, selon les nécessités
[87].
Ici, Machiavel opère une nette séparation entre la politique et la morale. Pour lui, la politique doit œuvrer en dehors de toute spéculation moralisante ou religieuse. Le prince doit se contenter des réalités de faits et jongler avec le juste milieu, en usant du bon moyen au bon moment. Si la réalité exige les moyens moralement répréhensibles, il doit en faire usage ; si elle exige les moyens moralement irrépréhensibles, il doit aussi en faire usage ; pourvu que la fin poursuivie soit atteinte : la fin justifie les moyens
[88].
En outre, ce qui compte pour un prince, c’est la manière dont il use de sa virtù et le moment pendant lequel il en fait usage. S’il les manipule bien, en aucun moment il ne doit être blâmé ; parce qu’on ne blâme les actions des hommes qu’en fonction de leur fin. Un doux qui échoue dans une action est traité d’idiot, d’efféminé ; tandis qu’un cruel qui réussit son action, est traité de héros. La fin justifie donc la validité d’une action ; celle-ci est bonne ou mauvaise suivant sa fin. Tout prince qui veut la réussite doit suivre cette coulée des choses, il doit être réaliste.
III.1.3. UN HOMME PARCIMONIEUX
Entre la libéralité
[89] et la parcimonie
[90], Machiavel propose que le prince soit parcimonieux
[91]. Car il est bon pour un prince d’être libéral, mais cette libéralité doit être bien utilisée. En effet, si une libéralité est mal conduite ou ostentatoire, elle coûtera cher au prince. Aussi une libéralité mal conduite pousse le prince à léser son peuple par la consommation de ses biens, des impôts accablants, l’usage de toute sorte de stratégie lui rapportant l’argent. Enfin, il sera haï par la population et un seul danger lui suffit pour qu’il voie sa perte, parce qu’il ne bénéficie plus de l’appui du peuple.
Les hommes étant les êtres de besoins incessants, la libéralité du prince ne les rassasiera jamais; car pour eux, la satisfaction d’un besoin engendre d’autres. Ainsi, quiconque fait asseoir son pouvoir sur la libéralité court à sa propre perte. La libéralité, selon notre auteur, ne peut être bonne que dans le cas de celui qui n’est pas encore au pouvoir, mais qui voudrait y accéder. Puisqu’il doit bénéficier de l’appui du peuple, il peut se faire libéral par son discours et ses actions ; de sorte qu’il soit facilité par le peuple d’atteindre son but.
La libéralité peut aussi être bonne dans le cadre de butins de guerre. Un prince qui fait la guerre doit se montrer libéral dans le partage du butin emporté de l’étranger avec ses militaires ; de peur que ces derniers ne se révoltent contre lui. Dans ce cas, le prince ne peut être libéral que face aux biens venant de l’extérieur de sa principauté et jamais face aux biens venant de l’intérieur de sa principauté. On comprend alors notre auteur qui demeure dans sa logique selon laquelle le prince ne doit compter que sur ce qui est à son pouvoir et jamais sur ce qui au pouvoir d’autrui. Or, le succès de la libéralité dépend des autres et non du prince lui-même.
De ce qui précède, il importe qu’un prince soit parcimonieux dans la gestion des biens du pays une fois qu’il est au pouvoir. Pour conserver son pouvoir, Machiavel pense que la libéralité se montre impuissante. Pourtant, la parcimonie fait que le prince conduise son industrie rien qu’avec les recettes normales qu’il reçoit. Il n’ira jamais se soumettre à un puissant, ni ne lésera son peuple pour survenir à ses besoins. « Le pape Jules II obtint le pontificat en se faisant une réputation de libéralité, en promettant monts et merveilles à ceux qui pouvaient le servir ; mais une fois en place, il n’eut aucun souci de tenir ces promesses, ayant l’intention de faire la guerre.»
[92] En étant parcimonieux, le prince pourra épargner le nécessaire et sera à mesure de se défendre contre quiconque voudra l’attaquer ; et ses entreprises n’exigeront pas au peuple des charges supplémentaires. Il vaut mieux pour un prince d’être lésineur
[93] que libéral. Qui veut mieux exercer son métier de prince ne doit pas craindre d’être renommé lésineur. L’histoire finira par lui faire revêtir la réputation de libéral mais une libéralité à bon escient.
La libéralité est bonne dans la conquête du pouvoir et dans la répartition des butins de guerre mais mauvaise dans la conservation du pouvoir. Par contre, la parcimonie est mauvaise dans la conquête du pouvoir et la répartition de butins de guerre ; mais bonne dans la conservation du pouvoir.
La réalité effective des choses et l’histoire nous enseignent que seuls les princes lésineurs ou parcimonieux ont réalisé des grandes choses. Tel fut le cas de Jules II qui pendant sa conquête du pouvoir se passa pour libéral, aussitôt au pouvoir, il ne tint jamais compte de ses promesses. De même pour le roi Louis XII qui mena plusieurs guerres sans augmenter les impôts de son peuple parce que, depuis longtemps, il évitait des dépenses superflues. « Il y a donc plus de sagesse à accepter l’appellation de lésineur, qui engendre un mauvais renom sans haine, qu’à ambitionner celle de libéral, qu’accompagne nécessairement celle de rapace, qui engendre un mauvais renom avec haine »
[94].
Pour Machiavel, entre la cruauté et la clémence, le prince doit choisir la cruauté. Il est donc bon d’être clément, mais la clémence n’est pas à notre seul pouvoir, elle dépend plus d’autrui. Or Machiavel demande à quiconque veut fonder une principauté nouvelle de compter sur ses propres efforts et talents que ceux d’autrui. « Voilà pourquoi tous les prophètes armés furent vainqueurs, les prophètes sans armes déconfits. »
[95] Qui veut se faire aimer demeure toujours esclave d’autrui et c’est dans sa clémence qu’il se fera rouler, duper et même perdre. Une telle nature est bonne pour les simples citoyens. Pour un prince, il lui vaut mieux être craint qu’être aimé.
La cruauté dont il est question ici n’est pas celle qui inspire la haine. C’est plutôt une cruauté qui fait que le prince soit craint et aimé. Raison pour laquelle, il est recommandé au prince d’user de sa cruauté avec modération, prudence et humanité. Et chaque fois qu’il en fera usage, il doit toujours chercher des causes manifestes et une convenable justification pour couvrir sa cruauté. Même s’il doit être cruel, il ne doit cependant pas inspirer la haine au peuple. D’où son agir doit inspirer au peuple l’image d’un père, soucieux de son bien.
Par la cruauté, le prince fera respecter l’ordre au sein de l’armée. S’il peut encore la couvrir face au peuple, il ne doit pas en être ainsi dans l’armée. La qualité principale pour un capitaine d’armée est la cruauté. Il ne doit pas craindre d’avoir le renom de cruel au sein de l’armée. C’est une qualité sans laquelle cette unité importante du pouvoir ne peut pas se mouvoir.
L’histoire et la réalité effective des choses nous racontent que seuls les princes cruels ont pu faire des grandes choses. Les doux et les cléments se sont vite perdus. En effet, les hommes outragent avec facilité les cléments plus que les cruels. Par cette thèse, on peut alors comprendre Caligula (empereur romain 37-41 av.j.c.) qui avait dit « qu’on me haïsse pourvu qu’on me craigne »
[96].
Hannibal et Scipion tirés en exemple, nous donnent pour le premier l’image d’un homme cruel qui a sut réaliser des grandes choses et dont la cruauté a servi à bon escient. Et pour le second, l’image d’un homme passif qui a récolté le mépris de plus d’un dans son armée et ne su l’organiser. Bref, celui qui veut mener à bonne port son entreprise doit être cruel, mais à bon escient. Il veillera simplement à ce que sa cruauté n’inspire ou ne suscite pas la haine.
« La fin justifie les moyens »
[97] et tout prince qui veut bien mener son industrie doit agir en fonction de ce qu’il poursuit. Si ce qu’il poursuit nécessite des moyens moralement répréhensibles, qu’il opte pour le bien. Si c’est le contraire, qu’il opte pour le mal quand c’est nécessaire, pourvu qu’il arrive au but. Autrement on dirait : « tout est bon »
[98], tout concourt au progrès de la société. Raison pour laquelle il importe donc moins au prince de s’inquiéter sur les promesses qu’il fait. Il doit simplement les évaluer pour voir laquelle porterait préjudice à son pouvoir et à la sûreté de l’Etat. S’il remarque qu’il n’y a aucun obstacle, il peut alors l’honorer, au cas contraire, il ne doit pas en faire cas.
En outre, puisque les hommes ne tiennent pas non plus à leur parole, le prince ne respectera pas sa parole si celle-ci se tourne contre lui. Il doit dissimuler toutes ses actions de sorte que rien ne soit à découvert. De sa bouche ne sortira que des paroles de pitié, foi, intégrité, humanité, religion. Les hommes ne jugeant que les apparences, se feront facilement prendre et l’aimeront.
Seuls les princes qui n’ont fait cas de leur parole ont pu faire des grandes choses ; les véridiques et fidèles à leurs paroles ont vite vu leur perte. Le mensonge
[99] peut aussi devenir nécessaire pour sauver l’Etat. Si on y est contraint, il ne faut pas hésiter d’en faire usage. Le prince n’est pas obligé d’avoir toutes ces qualités, mais il peut feindre de les avoir.
Il convient à celui qui veut conduire les hommes d’être à la fois homme et bête, soit demi-homme et demi-bête. Cela veut dire qu’il doit faire le bien si c’est possible et faire le mal quand c’est nécessaire. Il doit avoir d’égard envers la loi (symbolisant la rationalité humaine) mais aussi d’égard envers la force (symbolisant les impulsions animales) et il doit en faire usage au bon moment.
D’abord comme bête, il sera parfois lion, parfois renard suivant les circonstances. Comme lion, il saura se faire craindre et comme renard, il saura duper et dissimiler ses coups afin d’attirer vers lui les gens, auprès de qui, il pourra s’informer de tout ce qui se prépare pour ou contre lui. Car il n’est pas facile de conduire les hommes ; ils sont changeants au point que dans certaines circonstances, ils comprennent par la parole et dans d’autres, seule la force peut leur faire comprendre les choses. Le prince doit savoir faire la bête, mais aussi faire l’homme à des moments indiqués.
Puisque la réputation, l’estime du peuple sont nécessaires à l’exercice du pouvoir du prince, ce dernier est tenu à y veiller de peur qu’il ne rende désagréable son industrie. Pour garder une bonne réputation et l’estime du peuple, le prince doit éviter un certain nombre des choses qui lui remboursent mépris et haine.
Q’un prince s’efforce, comme je l’ai dit plus haut, d’éviter tout ce qui pourrait lui valoir le mépris ou la haine ; et chaque fois qu’il y parviendra, il aura bien œuvré et pourra sans danger braver la honte des autres vices. Je le répète : il suscite la haine dès qu’il porte la main sur les biens ou sur les femmes de ses sujets. Il doit s’en abstenir : si l’on n’enlève aux hommes ni leurs avoirs ni leur honneur, ils vivent contents
[100].
Pour éviter la haine du peuple, le prince doit s’abstenir de porter la main sur les biens ou sur les femmes de ses sujets
[101]. Ainsi ces derniers, disposant en liberté de leurs biens et femmes, vivront contents, loin des idées de combattre le prince pour les raisons de liberté. Il ne restera au prince que de combattre les ambitions de quelques uns. Ne mettant la main ni sur les biens, ni sur les femmes de ses sujets, le prince apparaîtra en face de ces derniers comme celui qui veut leur liberté, leur émancipation. Suite à cet acte, il jouira d’une bonne réputation au sein du peuple.
Pour éviter le mépris, le prince doit se garder de se montrer léger, changeant, efféminé, poltron et irrésolu. Autrement dit, le prince doit se garder d’étaler sa faiblesse en public, de peur que cela lui rembourse le mépris aux yeux des ses sujets qui connaissent. N’a-t-on pas vu des sujets brûler d’ambition parce qu’ils ont vu l’incompétence de leur chef ? Le prince pour ne pas s’attirer de mépris, s’efforcera à faire paraître dans ses actions la grandeur, la magnanimité, la gravité et la force de caractère. Il veillera à ce que sa sentence soit irrévocable (surtout en matière des affaires privées de ses sujets)
[102]. Il s’efforcera à engendrer autour de lui, l’opinion d’un homme juste qui ne se fait pas tromper et que l’on ne peut tromper, quelque soit le moyen artifice. Il s’entourera de l’opinion d’un homme sage et compétent, berger, protecteur et défenseur du peuple.
Tout prince qui aura rependit une telle réputation de lui-même paralysera toute conjuration et toutes les attaques contre son trône. Bénéficiant de l’appui du peuple et de sa réputation d’homme rigide, les ennemis ne viendront jamais par quatre, six, cinq pour le détrôner. Ils seront toujours nourris de crainte pour l’attaquer.
Il sied maintenant de savoir pourquoi un prince doit se garder du mépris et de la haine ? Nous croyons que c’est pour conserver son pouvoir et son autorité. En effet, tous les conjurateurs viennent toujours dans l’intention de satisfaire les mécontents. Mais lorsqu’ils arrivent et ne trouvent pas une majorité mécontente de son chef, ils ne prendront pas l’audace de conjurer. Car après coup, ils passeront un pire et dur moment avec le peuple dont ils ont privés un protecteur.
Le prince, hormis le mépris et la haine, s’efforcera aussi à équilibrer sa gestion du contraste qu’il y a pour satisfaire à la fois le peuple et les soldats
[103]. Un prince qui veut la réussite de son industrie, cherchera dans quelle mesure il peut conserver l’estime du peuple et celui de l’armée à son endroit. Plusieurs empereurs romains avaient satisfait le peuple mais ils n’ont pas échappé à la conjuration parce qu’ils n’ont pas su maintenir cet équilibre. D’autres empereurs par contre, avaient outragé le peuple en satisfaisant les militaires, mais ils n’avaient non plus échappé à la conjuration. Il convient donc que le prince sache tirer profit de deux côtés pour bien exercer son pouvoir.
Dans le domaine des affaires humaines, la notion de cause n’a pas son sens. Car, d’une même cause peuvent ressortir deux conséquences différentes. Aussi, une même conséquence peut ressortir de deux causes différentes. Dans les affaires humaines, tout dépend des circonstances ; le bon et le mauvais sont liés aux circonstances. Il est recommandé au prince de savoir choisir les moyens en fonction de fins et des moments. S’il n’a pas l’art de faire le choix, il perdra. « Les forteresses sont utiles ou nuisibles, selon les circonstances ; et si elles te servent d’un côté, elles peuvent te desservir de l’autre »
[104]
Tout ce que fait un prince n’a de sens que par rapport aux circonstances. Cette affirmation prouve que tout ce que fait un prince n’est pas toujours utile. Ce qui cause son ascension aujourd’hui, peut aussi un jour causer sa perte. Pour éviter le pire, un prince doit être un homme qui vise l’utile. Il analyse les circonstances pour trouver le moyen peut employer sans causer préjudice à son entreprise.
Plusieurs théories ont été enseignées aux princes afin de maintenir leurs Etats : les uns pensent qu’il faut désarmer ses sujets
[105] ; les autres entretenir des divisions dans les territoires ; les autres encore nourrir les inimitiés contre les princes eux-mêmes ; d’autres ensuite gagner les cœurs de ceux qui leur sont suspects au commencement du règne, d’autres enfin, édifier ou démanteler des forteresses. Machiavel pose la question de savoir si tout ce que font les princes est utile. Mais à cette question il répond que tout dépend des circonstances et le prince doit toujours opérer ses choix en fonction de leur efficacité.
En effet, dans la perspective machiavélienne, il n’est pas bon de désarmer son peuple. Puisque un prince nouveau doit asseoir son pouvoir sur une armée propre, il est obligé de voir comment faire un armement réussi de son peuple ; en formant une armée constituée de ses propres sujets. Désarmer ses sujets, c’est se mettre à la merci des troupes mercenaires, des armées auxiliaires et mixtes avec toutes les conséquences néfastes.
Que peut gagner alors un prince en entretenant des divisions dans son Etat ? Il gagne pendant la période de paix mais quand advient la guerre, tout est perdu. Il ne convient pas au prince d’entretenir des divisions dans son Etat. Il doit plutôt appeler ses sujets à l’unité, à la cohésion, à la reconnaissance mutuelle et doit choisir le moyen le plus efficace ou utile.
L’exemple d’un acte utile est celui qui nous dit que le prince nouveau doit baser son pouvoir en gagnant à sa cause les hommes suspects du début de son règne. Car ceux-ci et les alliés qui l’ont amené au pouvoir se trouvent dans une nette démarcation. Les alliés, s’ils l’ont aidé par affection naturelle, c’est bien. Mais si c’est parce que mécontents de la situation ancienne, le prince ne saura jamais les satisfaire tous, ni les contenter. « Les hommes étant changeants, trouveront toujours des occasions pour rassasier leurs incessantes ambitions »
[106].
Il est donc séant qu’un prince se débarrasse petit à petit de ses anciens alliés en gagnant à sa cause les pressentis suspects au début de son règne. Ceux-ci par reconnaissance et par le désir d’effacer l’opinion que le prince avait sur eux, le serviront avec plus de zèle. Ils lui rendront plus de service que les alliés qui se sentiront toujours en droit de ce qu’ils reçoivent de lui. Mieux encore, à côté des suspects, le prince peut élever les gens de basse condition (mais intègres). Ceux-ci seront aussi dans la même disposition de reconnaissance comme les suspects. Ils le serviront loyalement et lui rendront d’énormes services. C’est pourquoi on comprend pourquoi plusieurs princes se sont toujours éloignés de leurs premiers alliés.
Qu’importe donc à un prince de construire une forteresse pour sa sécurité ? Machiavel soutient toujours qu’un moyen est bon ou mauvais suivant les circonstances. Si la forteresse peut sécuriser un prince, elle ne le fera pas pour toujours. Il est bon pour un prince de se sécuriser par la forteresse ; mais « la meilleure forteresse au monde est l’affection du peuple »
[107]. Un prince qui ne se soucie pas de l’affection du peuple et dépense de forte somme pour sa forteresse ou sa sécurité, court à ses propres risques et périls. Il importe au prince de faire l’utile : Le mieux à faire est de construire la forteresse et d’acquérir l’affection du peuple. Car l’affection du peuple ne supprime pas la vigilance du prince sur sa propre sécurité. Accomplir ces deux choses à la fois, serait mieux et utile.
Dans la perspective machiavélienne, le pouvoir du prince ne peut bien s’exercer que dans la mesure où ce dernier vit en accord avec son peuple ; dans la mesure où il est aimé et estimé par ce peuple. De ce fait, le prince doit être un homme en quête de l’estime parce que c’est un bon moyen pour l’exercice du pouvoir. Pour acquérir l’estime du peuple, le prince doit accomplir des grandes entreprises et donner de soi des exemples rares et mémorables.
[108]
Le peuple aime avoir un chef qui fait sa fierté. Car la grandeur d’un chef désigne celle de son peuple, comme la grandeur du peuple désigne aussi celle de son prince. Pour bénéficier de l’estime de son peuple, un prince doit poser des actions éclatantes, de grande envergure qui lui donneront du crédit à l’intérieur et à l’extérieur de son Etat. Ces actions peuvent être du genre d’organisation des grandes expéditions militaires à l’intérieur et à la l’extérieur du pays avec des éclatantes victoires ; la mise en marche de vaste programme de développement, la construction des magnifiques monuments (immeubles, foires), l’organisation des grands spectacles en des périodes bien connues en vue de distraire le peuple, la construction des grandes et longues routes, ports, stades, aéroports, écoles, universités, barrages, ponts etc.
Disons que le prince devra faire l’inventaire de l’ensemble d’actions éclatantes qu’il aura à poser et qui le distingueront de ses prédécesseurs et du commun des mortels. Il cherchera à se distinguer par ses empreintes qui laisseront sa personne marquée dans l’esprit du peuple. Au niveau intérieur, il doit donner des signes exemplaires de son savoir-faire dans le traitement de problèmes. Il veillera toujours à encourager et à récompenser les citoyens qui se sont distingués dans leur profession. Mais il punira aussi sévèrement ceux qui se sont distingués dans le mal.
Le seigneur attribuera des récompenses à ces artisans, et à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, s’emploieront à enrichir le pays. En outre, à des périodes de l’année convenables, il distraira ses peuples au moyen de fêtes et de spectacles. Et comme chaque cité est divisée en corporation ou en tribus, il lui faut tenir compte de ces groupements, les rencontrer parfois dans leurs assemblées, donner de lui-même des exemples de magnificence et d’humanité. Il aura soin cependant de préserver la majesté de son rang, qui en aucune occasion ne doit être ternie.
[109]
Pour avoir de l’estime, un prince évitera toujours d’être neutre dans les conflits opposant ses voisins puissants. Si deux voisins puissants sont en conflit, il doit être résolu afin de déclarer franchement pour ou contre quelqu’un d’entre les deux. Car la neutralité est une attitude qui apporte toujours de malheur ultérieure de part et d’autre. En cas de victoire de l’un, le vainqueur écrase le prince parce qu’il ne peut collaborer avec quelqu’un qui ne sait le soutenir en cas de guerre. Et le vaincu se réjouira aussi de sa misère parce qu’il ne l’a pas soutenu dans le malheur. Alors que si le prince manifestait sa position, il serait soit ami, soit ennemi du vainqueur. Si ami, il aurait alors un ami puissant. Si ennemi, il pourrait prendre ses dispositions et bénéficierait du soutien du vaincu qui trouverait en lui un espoir pour sa réhabilitation. C’est donc par des tels actes qu’un prince peut acquérir de l’estime.
La sagesse d’un prince se reconnaît par la qualité de ses ministres. Il convient donc qu’un prince soit celui qui sait choisir ses ministres. Ceux-ci parleront et agiront en son nom, c’est pourquoi ils doivent être d’une grande intelligence et sagesse.
Machiavel distingue trois sortes de cerveaux : les « uns qui comprennent les choses d’eux-mêmes, les seconds quand elles sont expliquées, les troisièmes ne comprennent ni d’une façon ni de l’autre ; les premiers sont meilleurs, les seconds encore excellents, les troisièmes inutiles »
[110]. Pour savoir choisir ses ministres, le prince doit être soit du premier, soit du deuxième groupe, mais jamais du troisième. Selon qu’il suit ces groupes, il sera respectivement meilleur, excellent et inutile.
Pour qu’un prince juge exactement son ministre, le moyen le plus efficace est de « le voir penser moins au prince qu’à lui-même, rechercher en toutes choses ce qui convient le mieux à son intérêt.»
[111] De telle manière, le prince peut être certain qu’il ne sera jamais un bon serviteur, jamais un homme de confiance. Un bon ministre ne doit jamais penser à lui-même, mais toujours à son maître et à son entreprise. Il ne doit jamais entretenir son maître sur d’autres sujets si non ceux ayant trait au royaume. Pour bien gagner la confiance de son ministre, le prince doit le combler d’honneurs, des richesses, des charges si hautes à tel point que ce dernier ne puisse vouloir aucun changement.
Plusieurs princes ont échoué non par manque de l’art de bien gouverner, mais à cause de leur entourage. C’est pourquoi un bon prince doit savoir choisir ses ministres. Après ce choix, il veillera toujours à ce que ces derniers ne deviennent pas des flatteurs à ses côtés. Aussitôt qu’il remarquera une telle attitude, il cherchera des moyens pour se débarrasser d’eux.
Même si un bon ministre est celui qui n’a dans son discours et sa pensée que les choses concernant le prince et son royaume ; un bon prince (sage) saura toujours dépister ou remarquer que son ministre est vrai ou faux dans ses propos.
Pour se garder des flatteurs, un bon prince doit faire comprendre à son entourage que la vérité ne l’offense pas. Mais il fera beaucoup d’attention parce que si tout le monde peut lui dire la vérité, alors il arrivera qu’on lui manque du respect. Il convient pour un bon prince de choisir dans le pays un certain nombre d’hommes sages à qui, il permettra de s’exprimer librement et uniquement sur les matières de son choix.
Le prince doit s’informer de toutes choses et entendre leurs opinions, mais il décidera par lui-même selon ses principes. Il doit réussir à faire comprendre à ses conseillers par son comportement qu’ils lui seront agréables lorsqu’ils lui parleront avec franchise. En dehors de ses conseillers, il ne voudra entendre personne, car au cas contraire, il sera changeant et n’aura guère d’estime. Il devra aussi se garder de faire des choses rien que selon son propre point de vue.
J’étais et je suis resté un autodidacte, cherchant toujours à apprendre par moi-même, à vérifier, à découvrir de nouveaux horizons, à faire de nouvelles expériences. J’aime bien chercher par moi-même, choisir mes centres d’intérêt, étudier, sur un dossier des opinions divergentes, entendre les différents points de vue. C’est mon tempérament.
[112] Disait Mobutu.
Parce que Machiavel veut son prince indépendant d’autrui, il élargit cette indépendance en tout domaine, même dans le domaine de la sagesse ou de l’intelligence. Bien qu’il doit se faire conseiller, le prince devait être lui-même sage pour se faire sagement conseiller. Au cas contraire, il y a risque qu’il soit à tout moment dupé par ses proches. Un bon prince doit posséder personnellement la sagesse, car si elle lui vient d’ailleurs,elle ne sera qu’ à court terme et vite apparaîtra sa vraie nature.
Si l’on considère en Italie les princes qui ont perdu leurs Etats de notre temps […] on trouvera dans leurs conduites une faute commune : Ils ne surent pas se donner une armée forte et fidèle, pour les raisons que j’ai longuement exposées ci-dessus. De plus, certains ne surent pas se garder de l’insolence de leurs grands, qu’ils eussent ou non l’amitié des petits. […] Seules sont bonnes et durables, les défenses qui dépendent exclusivement de toi et de ta virtù
[113].
« Le prince est contraint de vivre avec son même peuple ; mais rien ne l’oblige à garder les même nobles, puisqu’il peut en faire et en défaire chaque jour, donner et enlever les titres selon son bon plaisir. »
[114]
L’entourage du prince est un cas dans l’histoire politique. Car il est le plus souvent, source de réussite ou d’échec. C’est pourquoi, un bon prince doit savoir se fabriquer des hommes ou serviteurs qui servent à sa cause. Au cas contraire, sa chute ou l’échec de ses actions est certain. Le prince veillera à leur faire comprendre son programme d’action, leur faire savoir ce qu’il aime et ce qu’il déteste. Il doit posséder un caractère fort, plus fort qu’eux, irréprochable, difficilement trompé, tenace, assidu, intelligent, sage etc. Il doit faire naître en eux, le désir de se mettre totalement à son service. Il doit les faire jurer en tout pour sa cause, surtout encourager et couronner leur petite victoire en sa faveur.
Un bon prince doit savoir se fabriquer des hommes de confiance, mais en qui il ne se livrera pas totalement. Il gardera toujours une distance de sorte qu’il soit à mesure de changer de cartes quand c’est nécessaire. Ces serviteurs en tout ne doivent jurer que sur et pour le prince. Un bon prince doit savoir comment affaiblir un ex-serviteur et le remplacer par un autre. Même le serviteur le plus proche, le prince doit savoir comment le neutraliser et le remplacer. De telle sorte qu’il puisse sans dommage changer son entourage quand celui-ci ne répond plus à ses attentes ou à ses objectifs.
III.3. QUALITE RELATIVE A SA SECURITE
Pour tout homme, la prudence est une qualité. Mais pour un prince, elle doit être sa plus grande qualité. Le prince doit être un homme prudent, toujours attentif au mouvement de l’histoire. Il doit toujours « agir comme les archers d’expérience. Connaissant bien la vertu de leur arc, ils visent beaucoup plus haut que leur but quand celui-ci leur parait trop lointain.»
[115]
Pour être un archer prudent, le prince doit toujours « s’engager dans les voies frayées par des grands hommes et imiter ceux qui ont été tout à fait excellents, de façon que si la virtù n’y peut parvenir, il en garde au moins quelque relent.»
[116] Le prince doit lire les anciens qui ont plus marqué l’histoire pour se renseigner sur leur réussite afin de les imiter, et de corriger là où ils avaient échoué. C’est ainsi qu’il ne répétera pas les mêmes erreurs que les anciens et se conduira avec lucidité. Un homme sage doit toujours suivre les sentiers battus par les grands personnages.
La prudence demande que le prince prenne toujours conseil avant d’agir. Ces conseils, il ne les prend pas comme bon élève, mais il écoute les différents points de vue et voit lequel peut concourir à l’accomplissement de ses objectifs. Hormis cela, la prudence renvoie aussi au fait que le prince doit s’efforcer d’être vigilant, de façon qu’il comprenne ce qui se passe loin et autour de lui, afin de prévoir les éventuels bourrasques. Car si le prince se borne sur son entourage, il y a risque d’être surpris par un coup venant de loin, de même s’il passe le temps à voir ce qui vient de loin, il sera surpris par un coup venant de ses propres proches. Il est en effet recommandé au prince d’avoir la maîtrise à la fois du lointain et du proche. Il doit être un archer prudent.
La patrie est tout ce qui motive la démarche machiavélienne. Tout pour la patrie, à tout prix il faut sauver la patrie. En cela, quiconque veut devenir prince ou quiconque est prince doit porter dans son coeur sa patrie, il doit l’aimer au point de lui offrir même sa vie. Le patriotisme se définit simplement comme amour de la patrie.
Pour Machiavel, « la patrie doit être défendue, soit ignominieusement, soit glorieusement ; elle est de toute façon bien défendue.»
[117] La patrie pour lui est une valeur qui est quasi-absolue et au fondement de toutes les autres valeurs éthiques et politiques. Toute autre valeur est subordonnée au salut de la patrie. On comprend alors en effet quand il dit que la fin justifie les moyens. C’est que la défense de la patrie justifie tous les moyens dont on se sert pour le fait.
Là où l’on décide du salut de la patrie (Della salute della patria), on ne doit avoir aucune considération de justice ou d’injustice, de pitié ou de cruauté, de gloire ou d’ignominie ; bien plus négligeant toute considération, il faut suivre en tout le parti qui la sauve et conserve sa liberté
[118]
Ici Machiavel spécifie sa conception de la notion de raison d’Etat
[119]. Une conception qui autorise l’usage de tout moyen pour sauver la patrie. Pour lui, la raison d’Etat est refondation et conservation du pouvoir de l’Etat. Un prince doit ancrer une telle conception dans son agir car sauver sa patrie, c’est sauver sa propre liberté, selon Machiavel.
Aristote disait que l’homme est un animal politique, naturellement fait pour vivre en société
[120]. Cela veut dire que l’homme est un être politique par nature. J.J. Rousseau pense que la société politique est née d’une convention
[121]. Julien Freund spécifie en connivence avec Aristote que la société politique ou la politique est naturelle à l’homme et non conventionnelle
[122]. Un être sans cité n’est pas un homme, mais bien plus un être inférieur à l’homme. La politique ou la société politique étant naturelle à l’homme, il appartient donc à ce dernier d’y vivre et de l’organiser. L’organisation d’une société passe par le billet des héros ou leaders. Ces derniers doivent être des vrais libérateurs ou ceux qui apportent la liberté au peuple, à la société ou à la patrie et des refondateurs ou ceux qui viennent organiser la société et la refonder.
Un prince doit être celui qui, en tout, vise à mettre de bases solides à son Etat, le rendre autonome, indépendant des autres puissances. Pour libérer et refonder une patrie, la virtù du prince est d’une grande importance. Son savoir faire doit lui permettre d’innover et de s’organiser l’Etat. Un Etat refondé et libéré doit être capable de tenir position face à d’autres Etats. Il doit être à mesure d’inquiéter les autres lorsqu’il prend recul ou devant face à un problème. Un Etat refondé et libéré se ressent par l’organisation et par son influence sur les autres. Un Etat refondé et libéré doit avoir une armée solide propre et une économie solide lui permettant de survenir à ses besoins et à son organisation.
Le prince doit être celui qui vient libérer, refonder et innover au sein de l’Etat. Il doit faire en sorte que l’appareil étatique soit en marche, par l’organisation de l’armée, la l
oi et la vie même de la société toute entière.
CONCLUSION
Dans ce troisième chapitre, il a été question d’une étude du profil du prince ou de l’ensemble des qualités qu’il doit posséder ou feindre de posséder pour bien mener son industrie. A cette fin, le prince doit être un capitaine modèle de l’armée, un homme réaliste, parcimonieux, cruel, infidèle, évitant le mépris et la haine, en quête de l’estime, qui sait choisir ses ministres, se gardant des flatteurs, qui peut se fabriquer des bons serviteurs, un archer prudent, un patriotique, un libérateur et refondateur de la patrie. Toutes ces qualités sont nécessaires pour un homme d’Etat parce que par manque de ces qualités, on a vu des nombreux princes s’effondrer devant le moindre bourrasque.
A intérioriser ces conseils éternels que nous a légués Machiavel, nous réalisons que nous ne sommes pas loin de son époque. Car, les mêmes réalités et les mêmes erreurs se manifestent jusqu’à nos jours, comme si aucun conseil n’avait été donné dans le passé.
Mais il convient de préciser que ce profil que nous propose Machiavel n’est recommandé qu’à un homme qui exerce le pouvoir politique. Quand à tout autre simple citoyen, il n’est pas autorisé de le suivre. En plus, certaines autres affirmations de Machiavel nous semblent douteuses. L’intérêt alors à chacun de tirer ce qui peut lui être utile, et passer outre ce qui est incompatible à la politique actuelle.
Notre investigation a consisté à une lecture thématique et compréhensive de la pensée politique de Nicolas Machiavel dans son livre Le Prince. Parmi les livres qui passent pour immortels, Le prince de Nicolas Machiavel occupe une place primordiale et peut-être unique. En effet, par un sens élevé du réalisme, Machiavel propose, mieux décrit les différents mécanismes de conquête et de conservation du pouvoir politique. Il est du nombre des premiers à exiger la séparation de la politique de la morale et de la religion. Mais cette séparation n’envisage aucunement la négation de ces deux domaines humains qui, comme la politique, oeuvrent à la libération de l’homme. Pour lui, le dirigeant politique doit toujours s’approcher du bien quand il le peut ; mais il doit aussi savoir user du mal quand c’est nécessaire. De ce fait, toutes les actions en politique sont appréhendées en fonction de leur finalité : la fin justifie les moyens. Un moyen est bon ou mauvais en politique suivant les circonstances. Le mensonge par exemple peut être utile à l’homme politique ; il est d’ailleurs le seul autorisé à user du mensonge nécessaire pour le bien de la collectivité. Quant au simple citoyen, le mensonge est un mal et restera un mal.
Dans la perspective machiavélienne, tout pouvoir politique naît de la conquête. Et celle-ci peut se faire de quatre manières : par la virtù, la fortuna, la scélératesse et la faveur de ses concitoyens. Quel que soit le moyen par lequel naît un pouvoir politique, la virtù reste la qualité et le moyen requis pour sa conservation.
En plus, un Etat solide doit ses fondements dans les bonnes armes et les bonnes lois. Les bonnes armes recommandées sont celles qui se composent des sujets et citoyens propres d’un Etat. Tandis que les bonnes lois sont celles qui réussissent à rétablir l’ordre et la stabilité par la contrainte.
L’exercice du pouvoir politique se lie à un comportement d’autorité. Cette dernière exige du prince un ensemble de caractères ou qualités sans lesquels la réussite de l’entreprise est douteuse. Il convient donc que le dirigeant politique tienne à certaines attitudes face au peuple, aux voisins et face à son entourage même.
Notons que la pensée de Machiavel est destinée principalement au prince ; mais elle nous semble aujourd’hui utile à beaucoup d’autres : notamment à tous les acteurs politiques et au peuple même. Mais sa mise en application n’a un sens que dans la cité ; c’est-à-dire dans le cadre d’un pouvoir politique. Et bien que cela ne concerne que le pouvoir politique, il faut dire que certains aspects de cette pensée sont insensés dans un système démocratique. Voilà pourquoi il convient à chacun de nous de critiquer cette pensée pour en recueillir ce qui peut réellement lui servir dans la résolution des différents problèmes de nos Etats.
Loin d’avoir la prétention de faire cette critique à la place de qui que ce soit, nous croyons que lorsque Machiavel exige au prince de compter sur la virtù ou ses propres armes, de veiller au rétablissement de l’ordre et à l’instauration de la stabilité par les bonnes lois, lorsqu’il reconnaît l’importance de l’affection populaire dans l’exercice du pouvoir, lorsqu’il eut la détermination de refonder l’Italie en état de brigandage et aujourd’hui nos patries ; nous pensons que ce sont là, quelques pensées qui aujourd’hui, nous interpellent et peuvent nous pousser à des actions plus engagées. Par contre, son exigence de séparer la politique de la morale et de la religion, son affirmation selon laquelle la fin justifie les moyens et tous les moyens sont bons suivant les circonstances, sa conception partielle de la loi du point de vue contraignant au mépris de la discrimination entre le permis et l’interdit, son manque d’attention sur l’individu social au profit de l’intérêt général de la nation, sa conception mondaine de la nature de l’homme nous semblent quelque peu douteux pour la réalisation d’une bonne société.
La réalisation d’une bonne société est ce que recherche toute philosophie politique de Platon à nos jours. Mais à l’heure actuelle, où tout le monde aspire à la liberté politique, le gouvernement d’un seul à la perspective machiavélienne inspire beaucoup de doute. Car au lieu de la recherche du bien commun, il y a beaucoup plus de risque que le prince et son entourage tombe dans la recherche de leur propre réalisation. Il convient donc de faire intervenir le droit pour tous. Qu’on soit dans un régime démocratique, monarchique, oligarchique ou dictatorial, la loi ou le droit doit régir tout le monde sans exception. Nul n’est au dessus de la loi. Cela étant, la bonne société ne peut se réaliser qu’en ayant des repères idéalistes que l’on poursuit en terme d’objectif. A cet effet, nous croyons que la morale a un rôle important au côté de la politique, quand bien même le prince peut s’en passer dans certaines circonstances pour l’efficacité de son entreprise. La politique trouve en la morale, la religion et bien d’autres domaines humains, des matières pour sa pleine réalisation. Il ne convient donc pas de s’en débarrasser coûte que coûte.
Bref, notre devoir a été de dire, mieux de restituer en nos propres mots, par une lecture thématique et compréhensive, ce que Machiavel a exprimé dans son livre Le Prince. Nous croyons avoir rempli cette tâche et nous savons que nous n’avons pu mieux dire ni tout dire. Nous nous ouvrons donc à la critique et recommandons à tout esprit désireux du savoir de continuer notre entreprise, mieux de la parfaire en suscitant des nouvelles questions ou en éclaircissant celles que nous avons abordées. Mais la vérité ou la réalité est que la politique renvoie à l’action et toute action tend à la réussite. En politique, soit on réussit et on est héros, soit encore on échoue et on est blâmé ; d’où il faut à tout prix réussir son action politique.
BIBLIOGRAPHIES
I. OUVRAGE PRINCIPAL
MACHIAVEL, N., Le prince, trad. de J. Anglade, L.G.F, Paris, 1983, p.303.
II. OUVRAGES DU MEME AUTEUR
MACHIAVEL, N., Le prince, trad. de Y. Lévy, GF-Flammarion, Paris, 1992, p.220.
MACHIAVEL, N., L’art de la guerre, trad. Toussaint Guiraudet, GF-Flammarion, Paris, 1991, p.278.
MACHIAVEL, N., Discours sur la première Décade de Tite Live, in MACHIAVEL, Œuvres compètes, trad. nouvelle par E.Barincou, Gallimard, Paris, 1974, p.375.
MACHIAVEL, N., Histoires florentines, in MACHIAVEL, Œuvres compètes, trad. nouvelle par E.Barincou, Gallimard, Paris, 1974, p.941.
II. ECRITS SUR L’AUTEUR
SENELLART, M., Machiavélisme et raison d’Etat, P.U.F, Paris, 1989.
FREUND, J., Qu’est-ce que la politique ? Ed. Sirey, Paris, 1965. p.190.
KAYEMBE, M., Essai de critique sur le réalisme politique de Nicolo’Machiavelli, C.Teia, Rome, 1995.
CHEVALIER, J.-J., Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, Armand, Colin, Paris, 1978.
III. ŒUVRES GENERALES
PLATON, La république, in PLATON, Œuvres complètes, trad. P. Pachet, Gallimard, France, 1993, p.551.
PLATON, Le sophiste, oeuvres complètes, trad. F. Hugo, Gallimard, France, 1991, p. 432.
ARISTOTE, La politique, œuvres complètes, trad. T. Willy, Gallimard, France, 1994, p.476.
ARISTOTE, L’éthique à Nicomaque, œuvres complètes, trad. P. Mounier, Gallimard, France, 1993, p.459.
HOBBES, T., Léviathan, trad. par Tricaud, Sirey, Paris, 1971.
FEYERABEND, P., Contre la méthode, trad. Gallimard, France, 1991, p. 432.
HERSCH, J., L’étonnement philosophique, Gallimard, France, 1981, p.462.
JANSEN, P., A la cour de Mobutu, M. Lafon, Paris, 1997, p.258.
MONHEIM, F., Mobutu l’homme seul, Ed. Actuelles, Bruxelles, 1962, p.249.
MONOD, J., Le hasard et la nécessité, Gallimard, France, 2000, p. 257.
FREUND, J., L’essence du politique, Ed. Sirey, Paris, 1981, p.811.
KIPUPU, J., note de Cours d’Ethique sociale, Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius, 2008-2009, p. 48.
C. MPULULU, note de Cours d’Introd. à la philosophie, Fac. de philo St Pierre, Canisius 2008-2009.
NIETZSCHE, F., La généalogie de la morale, Mercure de France, Paris, 1970.
CORNEILLE, Le Cid, éd. Harmattan, Paris, 1998.
CICERON, In catilinam, in Le Latin en 5è littéraire, trad. Levier François, Paris, 1996.
ETWAMINA, M. note de Cours de Realia ou histoire romaine, Petit Sém. de Bokoro, 2004.
MAWA, R., note de Cours de philosophieVIè, Petit Séminaire de Bokoro, 2004.
CESAR, J., De bello Gallico, trad. Levier François, Paris, 1996.
IV. DICTIONNAIRES ET REVUES
A) Dictionnaires
- Dictionnaire de la langue française, Livre de poche, Edicef, Hachette & Coopération française, 1996-1997.
- Dictionnaire universel de la langue francaise, Edicef, Hachette & Coopération française, 1996-1997.
B) Revues
ZARKA, Y.-C., « L’amour de patrie chez Machiavel », in Archive de philosophie, Avril-juin, t.62, p. 269-280.
LAZZERI, G., « La guerre intérieure et le gouvernement du prince chez Machiavel », in Archive de philosophie, Avril-juin, t.62, p. 241-254.
FONTANA, A., « Fortune et décision chez Machiavel », in Archive de philosophie, Avril-juin, t.62, p. 253-268.
FOISNEAU, L., « Hobbes et la théorie machiavelienne de la virtù », in Archive de philosophie, Avril-juin, t.60, p. 371-391.
V. SITES INTERNETS
http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Machiavel: (20 février 2010).
http://agora.qc.ca/reftex.nsf/Documents/Nicolas_Machiavel : (17 janvier 2010).
EPIGRAPHES………………………………………………………………………………...I
DEDICACE……..…………………………………………………………………………....II
REMERCIEMENTS………………………………………………………………………..III
INTRODUCTION GENERALE.. - 1 -
0.1.
PROBLEMATIQUE. - 2 -
0.2.
INTERET DU SUJET. - 3 -
0.3.
METHODE DU TRAVAIL. - 4 -
0.4.
SUBDIVISION DU TRAVAIL. - 4 -
CHAPITRE PREMIER : CONQUETE ET CONSERAVTION DU POUVOIR.. - 5 -
I.0. INTRODUCTION.. - 5 -
I.1. SORTES DES PRINCIPAUTES. - 5 -
I.2. CONQUETE DU POUVOIR.. - 6 -
I.2.1. LA VIRTU.. - 6 -
I.2.2. LA FORTUNA.. - 8 -
I.2.3. LA SCELERATESSE. - 9 -
I.2.4. LA FAVEUR DE SES CONCITOYENS. - 10 -
I.3. CONSERVATION DU POUVOIR.. - 12 -
I.3.1. PRINCIPAUTE HEREDITAIRE. - 12 -
I.3.2. PRINCIPAUTE MIXTE. - 12 -
I.3.3. PRINCIPAUTE NOUVELLE. - 14 -
I.4.
CONCLUSION.. - 15 -
CHAPITRE DEUXIEME : DES ARMES ET DES LOIS DANS UN ETAT.. - 16 -
II.0.
INTRODUCTION.. - 16 -
II.1. DES BONNES ARMES. - 16 -
II.1.1. SORTES D’ARMES. - 17 -
A)
DE TROUPES MERCENAIRES. - 17 -
B)
DE TROUPES AUXILIAIRES. - 18 -
C)
DES TROUPES MIXTES. - 19 -
D)
DES ARMES PROPRES. - 20 -
II.1.2. ORGANISATION DES ARMES PROPRES. - 21 -
A)
LE RECRUTEMENT DES SOLDATS. - 22 -
B)
L’ARMEMENT DES SES SOLDATS. - 23 -
C)
LA FORMATION D’UNE ARMEE EN BATAILLE. - 23 -
D)
LE LOGEMENT DES SOLDATS. - 24 -
II.2. DES BONNES LOIS. - 25 -
II.2.1. LA LOI SELON JULIEN FREUND.. - 25 -
II.2.2. LES BONNES LOIS SELON MACHIAVEL. - 27 -
III.3.
CONCLUSION.. - 28 -
CHAPITRE TROISIEME : LE PROFIL D’UN PRINCE.. - 29 -
III.0.INTRODUCTION.. - 29 -
III. 1. QUALITES RELATIVES A SA NATURE. - 29 -
III.1.1. UN CAPITAINE MODELE DE L’ARMEE. - 29 -
III.1.2. UN HOMME REALISTE. - 30 -
III.1.3. UN HOMME PARCIMONIEUX.. - 31 -
III.1.4. UN HOMME CRUEL. - 32 -
III.1.5. UN HOMME INFIDELE A SES PROMESSES. - 33 -
III.1.6. DEMI-HOMME ET DEMI-BETE. - 34 -
III.2. QUALITES RELATIVES AU RAPPORT AVEC SON ENTOURAGE ET LE PEUPLE. - 34 -
III.2.1.UN HOMME EVITANT LE MEPRIS ET LA HAINE. - 34 -
III.2.2.UN HOMME VISANT L’UTILE. - 36 -
III.2.3.UN HOMME EN QUETE DE L’ESTIME. - 37 -
III.2.4.UN HOMME QUI SAIT CHOISIR SES MINISTRES. - 39 -
III.2.5.UN HOMME QUI SAIT SE GARDER DES FLATTEURS. - 39 -
III.2.6.UN HOMME QUI SAIT SE FABRIQUER DES BON SERVITEURS. - 40 -
III.3. QUALITE RELATIVE A SA SECURITE. - 41 -
III.3.1.UN ARCHER PRUDENT. - 41 -
III.4. QUALITES RELATIVES A SA PATRIE. - 42 -
III.4.1.UN HOMME PATRIOTIQUE. - 42 -
III.4.2.UN LIBERATEUR ET REFONDATEUR DE LA PATRIE. - 42 -
III.5.
CONCLUSION.. - 43 -
CONCLUSION GENERALE.. - 45 -
BIBLIOGRAPHIES. - 47 -
TABLE DES MATIERES. - 49 -
CITATIONS
[1] J. KIPUPU, Présentation du Séminaire in « Programme des cours, Canisius-Kimwenza, 2009-2010 » p.57.
[2] J.-J., CHEVALIER, Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, p.60.
[3] N. MACHIAVEL, Le Prince, II, p. 5.
[4] Loc.Cit.
[5] Ibid., p. 27.
[6] Ibid., p. 7.
[7] Ibid., p. 57.
[8] Ibid. p.47.
[9]http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Nicolas_Machiavel_La_politique_de_Machiavel_par_Paul_janet (01.Fevrier 2010)
[10] N. MACHIAVEL, Le Prince, II, p. 27.
[11] Ibid., II, p.4.
[12] Pour Platon, Aristote, Kant etc., la vertu est liée à la morale. Alors que la virtù selon Machiavel est différente de la vertu la morale.
[13] Cfr. J. KIPUPU, Cours d’Ethique sociale, p. 48.
[14] Acquisition du pouvoir par les armes d’autrui.
[15] N. MACHIAVEL, Op.cit, p.88.
[16] J. FREUND, Qu’est-ce que la politique ? II, p. 113-114.
[17] L’histoire du serpent d’airain nous donne l’exemple d’une contrainte physique sur le peuple d’Israël.
[18] Acquisition du pouvoir par les armes d’autrui.
[19] Cfr. J. KIPUPU, op.cit, p. 52.
[20] J. MONOD, Le hasard et la nécessité, p. 187.
[21] CORNEILLE, Le Cid, p.52.
[22] La vertu ici n’a rien à avoir avec la vertu au sens commun. Ici la vertu=virtù.
[23] Cesar Borgia, duc de valentinois acquit ses Etats par la fortuna de son père […] il avait cependant fait tout ce qu’un homme prudent et vertueux doit faire pour bien prendre racine en ses Etats que les armes et la fortuna d’autrui lui avaient valus.
[24] N. MACHIAVEL, op.cit., VIII, p. 44.
[25] Ibid., VII, p. 37.
[26]. N. MACHIAVEL, op.cit., VIII, p. 46-47.
[27] Ibid., VIII, p.48.
[28] Ibid., IX, p. 49.
[29] Ibid., IX, p. 51.
[30] Loc.Cit.
[31] N. MACHIAVEL, op.cit., VIII, p.51.
[32] Loc.Cit.
[33] N. MACHIAVEL, Op.Cit., II, p. 5.
[34] Ibid., III, p.8.
[35] Ibid., III, p.5.
[36] Loc.Cit.
[37] Ibid., III, p. 9.
[38] Ibid., III, p. 9-13.
[39] N. MACHIAVEL, op.cit. 20.
[40], Loc.Cit.
[41] Ibid., IX, p. 49.
[42] Ibid., V, p. 25.
[43] Loc.Cit.
[44] Loc.Cit.
[45] Loc.Cit.
[46] N. MACHIAVEL, op.cit. 29.
[47] Ibid., VI, p. 30-31.
[48] Ibid.,. p.31.
[49] Ibid., VI, p.30.
[50] Loc. Cit.
[51] A., FONTANA, « Fortune et décision chez Machiavel », in Archive de philosophie, Avril-juin, t.62, p. 257.
[52] N. MACHIAVEL, op.cit. 29.
[53] N. MACHIAVEL, op.cit., p.61.
[54] Loc.cit.
[55] N. MACHIAVEL, op.cit., p.61-62.
[56] Ibid., p. 73.
[57] Dictionnaire Universel de la langue française.
[58] N. MACHIAVEL, Op.Cit., p.63.
[59] Pas d’argent, pas de service, pas travail.
[60] N. MACHIAVEL, Op.Cit., p.69.
[61] N. MACHIAVEL, Op.Cit., p.70.
[62] ARISTOTE, L’éthique à Nicomaque, p. 29.
[63] Charles VII, après avoir libéré la France des anglais, résolut d’employer ses propres armes en institua des compagnies d’archers et infanterie.
[64] N. MACHIAVEL, op.cit., p.72.
[65] N. MACHIAVEL, op.cit., p.73.
[66] ARISTOTE, L’Ethique à Nicomaque, p.29.
[67] N. MACHIAVEL, op.cit. 71.
[68] N. MACHIAVEL, Op.Cit., p.62.
[69] Ibid., p.74.
[70] N. MACHIAVEL, L’art de la guerre, p.71.
[71] Ibid., p.70.
[72] N. MACHIAVEL, Op.Ccit., p.93.
[73] Ibid., p.136.
[74] J. FREUND, L’essence du politique, p.207.
[75] Ibid., p.208.
[76] N. MACHIAVEL, Le Prince, p.61.
[77] J. FREUND, op.cit., p.227.
[78] J. FREUND, op.cit., p. 227-228.
[79] Ibid.., p.237.
[80] Loc.cit.
[81] N. MACHIAVEL, LePrince, p.38-39.
[82] CICERON, In catilinam, in Le Latin en 5è littéraire, p.39.
[83] N. MACHIAVEL, Le Prince, p.2.
[84] L’homme est un être de besoin, de corruption, de méchanceté et d’ambition, etc.
[85] N. MACHIAVEL, op.cit., p.74.
[86] N. MACHIAVEL, op.cit. p.76.
[87] Ibid., p.80.
[88] Loc.Cit.
[89] Propension à donner, générosité, donation, gratuité.
[90] Epargne portant sur les petites choses.
[91] Qui épargne sur les petites choses.
[92] N. MACHIAVEL, op.cit. p.83.
[93] Qui épargne avec avarice sordide.
[94] N. MACHIAVEL, op.cit. p.85.
[95] Ibid., p.30.
[96] M. ETWAMINA, cfr. Cours de Realia ou histoire romaine, p.56.
[97] N. MACHIAVEL, op.cit. p.94.
[98] P. FEYERABEND, Contre la méthode, p.46.
[99] PLATON, La république, oeuvres complètes, VIII, p. 421.
[100] N. MACHIAVEL, op.cit. p.95.
[101] http://agora.qc.ca/reftex.nsf/Documents/Nicolas_Machiavel : (17 janvier 2010).
[102] N. MACHIAVEL, op.cit. p.98.
[103] LAZZERI, G., « La guerre intérieure et le gouvernement du prince chez Machiavel », p. 247.
[104] N. MACHIAVEL, op.cit. p.114.
[105] L. FOISNEAU, « Hobbes et la théorie machiavélienne de la virtù », in Archive de philosophie, Avril-juin, t.60, p. 375.
[106] N. MACHIAVEL, op.cit., p.112.
[107] Ibid., XXI, p.115.
[108] N. MACHIAVEL, op.cit., p. 121.
[109] Ibid., XXI, p.121
[110] N. MACHIAVEL, op.cit., p.122.
[111] Ibid., XXII, p.123.
[112] MONHEIM, N., Mobutu, l’homme seul, p.20.
[113] N. MACHIAVEL, op.cit., p.128-129.
[114] MONHEIM, N., op.cit., p.51.
[115] N. Machiavel, op.cit., VI, p.27.
[116] Loc.Cit.
[117] N. MACHIAVEL, Discours sur la première décade de Tite-Live, ch.41, II, p.249.
[118] Loc.Cit.
[119] M. SENELART, Machiavélisme et la raison d’Etat, p.87.
[120] ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, IX, p.9.
[121] J.J. ROUSSEAU, Du contrat social, p. 87.
[122] J. FREUND, L’essence du politique, p. 125.